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2/03/2015

La Reine de la Parlotte et Une femme qui s'ennuie... CORRECTIF

La reine de la parlotte et Une femme qui s'ennuie...
Textes collaboratifs à L'Atelier d'écriture.

Le premier texte est de Martine Hoffmann. Le voici :

C'est la reine de la parlotte,
Elle papote et papillotte
Elle bavasse, elle jacasse,
Elle dégoise, elle chinoise,
Elle jaspine et puis débine.
C'est la reine de la digression
Qui débite des faits sans façon,
Commence une conversation
Bifurque en cours de discussion
Se perd en route,
C'est la déroute.
Puis t'interroge, toute en émoi :
« et je te disais ça pourquoi ? »
Tandis qu'elle raconte et puis glose,
Cela lui rappelle autre chose
Qu'elle se promet de te narrer,
Mais plus tard, elle a oublié !
Et toi, perdu,
Que lui dis-tu ?
Tu tentes en vain d'en placer une,
Cherche une pause bien opportune
Tu te débats et te démènes,
Lances deux ou trois mots à peine,
Puis finalement, capitules,
Devant celle qui te bouscule.
Elle te fait perdre la raison
Et le fil de la discussion,
Elle sait te couper la chique
Et te faire tourner en bourrique.
Du coq à l'âne en anecdote
C'est la reine de la parlotte !

(C) Martine  Hoffmann

Et voici ce que fut ma réponse sur FB et, par la suite, le texte qui en est sorti.

J'adore !
Un moment, j'ai cru que c'était moi, puis une vieille tante, puis une amie, aussi. Une voisine qui pérore ? Certainement pas. Ou bien, elle pérore sans moi, je ne l'écoute pas, je l'ai sûrement déjà fuie depuis des années.
J'adore ton texte. 
J'ai envie de continuer ici :
-----

C'est une femme qui s'ennuie. 
C'est une femme qui n'a pas de vie.
C'est une femme qui n'a jamais eu la parole et qui l'a prise sur des sujets qui n'intéressent jamais personne.
C'est une femme de l'ancien temps, même si tu la trouves jeune encore.
C'est une femme exténuée.
C'est une femme apeurée.
Une femme qui a peur d'exister.
Une femme qui a toujours tout sacrifié, aux autres, aux siens, à son autre, une femme déçue, une femme meurtrie.
Une femme pleine de rancœur qui ne s'aime pas, ne s'aime plus, une femme qui ne se sent pas assez aimée, qui meurt de pouvoir exister.
C'est une femme qui a perdu courage et vit sa vie par procuration. Son seul sujet est la vie des autres. La sienne est si peu intéressante. D'ailleurs, même elle, ne s'y intéresse pas.
C'est une femme qui a été tellement dézinguée par la vie qu'elle n'a plus envie de vivre et fait semblant, crevant de jalousie devant toutes celles qui prennent le droit de vivre.
C'est une femme qui ne sait même pas qu'elle fait semblant.
Elle crève tant du manque d'amour, de l'abandon, de solitude et d'ennui qu'elle regarde la vie des autres comme la télévision. C'est une femme dont la vie n'est emplie que de bavardages, de papotages, de commérages. C'est une femme qui a appris à faire taire la vie en elle. Elle bavarde, parle et pérore, est intarissable.
C'est une femme sans fond. 
Jamais, jamais, elle n'a appris à regarder au fond d'elle-même, elle n'a peut-être même jamais voulu croire qu'elle était intéressante.
C'est une femme qui s'ennuie.
C'est une femme qui s'ennuie.
C'est une femme qui s'ennuie.

Elle occupe son ennui sans jamais vraiment s'occuper d'elle.
Elle parle, elle parle, elle a peur de s'arrêter. Elle veut tellement que tu restes à ses côtés, elle veut tellement être écoutée, qu'elle en oublie ce qu'elle aurait à dire, si elle prenait son courage à deux mains pour le dire. 

C'est la parole diluvienne du manque d'être, du manque d'être écoutée. Cette femme est parfois un homme. Un homme blessé, un homme dévirilisé. C'est un homme qui n'est pas écouté, un homme qui n'est pas aimé, un homme qui se sont rejeté.

Cette femme, cette homme, à la parlotte un peu trop facile sont les grands taiseux de notre société qui les fabrique par milliers, qui les fabrique à poignées. C'est une femme, c'est un homme de la condition contemporaine, une femme et un homme que personne n'écoute plus jamais, qui reçoit des ordres et se doit d'obtempérer. Le désordre de sa parole est le désordre de son être désemparé. C'est une femme, c'est un homme déshumanisé qui ne peut plus, ne veut plus, ne sait plus, ou même n'a jamais su dialoguer, d'égal à égal. Une femme, un homme sans qualités, sans liberté, sans fraternité, dans un monde qui le dépasse, qui la dépasse, auquel il ne sait pas, elle ne peut pas, il ne veut pas, elle ne peut pas s'adapter. C'est un homme, c'est une femme qui cherche une impossible normalité quand trop de normes tuent l'être, le transforme en machine, machine à obéir, machine à vivoter. C'est une femme, un homme qui s'est laissé robotiser. À son insu, le plus souvent. En y mettant beaucoup du sien. C'est un homme, c'est une femme qui se tue à obéir à d'impossibles et torturantes injonctions contradictoires, c'est un homme, c'est une femme qui a besoin d'être écouté, d'être pris par la main, par la chaleur d'une main, qui a besoin qu'on lui dise, là, là, ça va, tu vois, c'est fini. Tout va bien. Ne t'inquiète pas, je suis là. C'est une femme infantilisée par des siècles de culture. C'est un homme qui apprend, à la dure, la condition d'infantilisé, la condition d'inutilité, la condition d'utilité calibrée. C'est un être humain qui déborde d'une tendresse perdue, qui ne s'aime pas, ne s'aime plus. C'est un humain. Un humain perdu. Qui tente désespérément de se raccrocher au monde des humains. Un humain qui n'est pas entendu, qui n'est pas écouté, dont on se moque. Un humain que le monde a abandonné.
Cette femme, cet homme, ça peut devenir toi, ça peut devenir moi, c'est peut-être déjà toi, déjà moi. Qu'importe. 
C'est un humain. Tends la main. Réchauffe-le de ta main. Vraiment ta main. Pas ta main métaphorique. Ta vraie main, chaude, moite, timide, hésitante, débilitante, ta main fiévreuse, ta main glaciale. Qu'importe. Réapprends avec elle le toucher. Tu n'as pas envie de lui prendre la main. Elle te révulse, t'énerve et t'agace. Et pourquoi donc, dis donc, t'énerves-t-elle tant ? Tu as peur de te reconnaître dans cette femme sans fond ? Tu as peur d'être ridicule ? Tu as peur de finir par l'aimer ? Tu n'aimerais pas aussi, toi aussi, un petit peu haïr ? Apprends lui à aimer son silence intérieur, à se vider de son vide, à éponger son désespoir existentiel. C'est un humain dont tout l'amour, transformé en haine jalouse et en envie, n'a plus envie de vivre.
Cette femme, c'est toi, c'est moi, c'est mon père, ton père, c'est ma mère, ta grand-mère, c'est ma grand-tante, la si méchante et ton grand-oncle, le vieux pingre.
Ce n'est qu'un bouquet, a bunch, a wild bunch d'êtres humains désorientés. La désorientation linguistique est un affect de la parole imprononcée, inécoutée.
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Zut, zut, zut !
Mais pourquoi j'ai écris ça ici, moi ! Sur mon iPad qui va refuser de coller ça dans mes fichiers, sur mon blog et surtout, dans mon ordi, où dorment mes écrits de parole encore publiquement imprononcée...
Tu n'es pas sage, Simone, tu n'es pas sage ! Tu restes encore dans la sage discussion, tu pérores, tu parades à peu de frais quand tes manuscrits et tes lecteurs t'attendent.
Mais, mais ! 
Qu'est-ce que tu fous là à cette heure-ci ?

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