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5/21/2015

#MoocDQ3 5356 20150423 Après l’accès d’hypomanie d’Éliane/Marie-Thérèse, appelle-la comme tu veux, nous avons dû faire face.

Après l’accès d’hypomanie d’Éliane/Marie-Thérèse, appelle-la comme tu veux, ce n’est pas cela qui compte à ce niveau, nous avons dû faire face. Face à la maladie d’Éliane, à la disparition de Laurence ???, à l’inquiétude des Dubreuil, François ne trouvait plus sa sœur et Françoise craignait pour son amie, il a alors fallu faire face à l’irruption de la maladie mentale, à la peur de la folie. Le thème de l’atelier s’en est ressenti. Forcément. Certains se connaissaient déjà bien, d’autres plus ou moins bien, mais à ce stade d’implication du premier embryon du groupe de l’atelier d’écriture, il n’était plus possible de revenir en arrière. Quelque chose s’était produit qui les avait irrémédiablement liés. Ils décidèrent, sans même avoir eu à se le dire, que le mieux à faire serait de ne pas faire mine de rien, mina dé nada, comme le disait Andréa qui continuait à rigoler avec Francisco, de faire comme si rien ne s’était passé. Un événement s’était produit. Un événement qui était en rapport avec l’écriture, ce que tente de cerner l’écriture sans y parvenir. Par un effet d’entraînement, ils s’organisèrent pour faire tourner l’atelier avant même d’attendre en remplaçant. Cette idée de faire fonctionner l’atelier comme si rien ne s’y était passé avait été une très mauvaise idée. Faire intervenir Le Garamond était une bonne idée en soi, mais c’était une idée de premier jet de roman. C’était une idée à rejeter. C’est bien trop irréaliste. C’était un rêve de roman. Une fois au pied du mur, il avait bien fallu se rendre compte que cela ne pouvait pas marcher. Ni dans le stage. Ni dans le roman.

Alors, il avait fallu bricoler, improviser, rattraper ce qui pouvait l’être et faire avec ce pourquoi on ne pouvait pas faire sans puisqu’on se retrouvait face à l’événement. Il était inutile de convoquer Badiou là. Il n’aurait été d’aucune utilité pour ce que nous avions à faire. Il fallait continuer à avancer. On ne pouvait plus, pauvres petits Beckett innommables, mais on devait continuer. Sans l’avoir projeté, on s’était soudés bien plus vite que jamais groupe ne l’avait été. La vie avait fait irruption dans ce qui avait été conçu pour être un havre de repos, de réflexion et d’écriture un peu hors du monde. La folie du monde nous y attendait. On ne pouvait se démettre. Il nous restait à nous soumettre au destin auquel une bonne partie d’entre nous ne croyait pas. Ce n’était peut-être pas le destin, mais ce fut ce qui nous arriva.

Il n’est pas utile de retracer par le menu comment les choses se sont passées. Ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. Une communion d’âmes, de sensibilités, d’intelligences diverses se mirent toutes à pousser dans le même sens. Celui de l’humanité douloureusement retrouvée. Le groupe évolua à une rapidité phénoménale. Les effets littéraires furent fulgurants. 

© Simone Rinzler | 21 mai 2015 - Tous droits réservés


#MoocDQ3 5456 20150521 Eulalie faisait de l’écholalie. Eulalie, la lie, la lie, faisait de l’écholalie, écho, écho, et coco, co...

Eulalie, la lie, la lie, faisait de l’écholalie, écho, écho, et coco, co. Elle ne pouvait s’empêcher de répéter ce qu’elle entendait, dès. Dès qu’elle se levait, vais. Vers quoi aller, elle ne savait, avait. Vers l’éternité, nité. Ça l’aurait bien amusée, musée, musée, musée, de se tirer à tire d’ailes, d’elle. D’elle je ne savais rien, hein. Un petit truc pas bien malin, Alain. L’un et l’autre se prenait à son jeu, je. Je balbutie quand je la vois, oie. Wouah, mais quel défaut, faut. Faute de langage, âge, de prononciation, scion, point du tout, ouh ! Ou alors, tout petit défaut, faux. Faut pas se laisser faire, air. Air de rien, faire comme elle, El. Elle allait et venait, naît, de cimaise en cimaise, mai. Mais elle sentait, tait, qu’elle n’en aurait jamais fini, ni.

Chaque fois que je l’entendais répéter, té, je me sentais toute énervée, vé ! Vé ! C’est même que je l’aurais frappée, Pépé ! Frapépée sans hésiter, tétée. Té, que c’était agaçant, sang. Sans mentir, ça me coupait la chique, hic, ça m’empêchait de parler, lé, cette ponctuation impromptue, tue. Dans ton cul, ton écho, coco ! Tu me brouilles mon égo, gogo, à gogo, à gogo ! Ah, à Go ! A-Allez ! V-Vava ! Mais bon sang, f-fer-ferme-la, là ! Ta grande gueule, euh l', qu’à rien à dire, ire ! Ire non contenue, nue. Nue sous la lumière crue du langage affecté, j’enrage, rage ! Rage dedans, toutes voiles dehors, or. Or je suis la seule qui le remarque, Marc.

Marc et Pierre, Andréa ou Francisca, Francisco, personne ne semble en être gêné. Née, née, née sous une étoile de bien-entendant, de bien remarquant, n’ai-je été la seule affectée, la seule infectée, par ces redondances, anse ? Dans, dans, dans, dans danse, anse, ma fille !, Danse sur le fil de ton affection de la parole. Olé !, danse, ma fille, danse ! Danse mais ne me brouille plus l’écoute, coûte que coûte, goutte à goutte, ton écho, écholalie, Eulalie, me rend dingue, ingue, ingue, ingue..., me rend dingo, woh !, ho ! Raie, raie, raie, raide dingo, go ! 

Go away ! Ouais.

© Simone Rinzler | 21 mai 2015 – Tous droits réservés

Hommage à Andréas Becker et Brigitte Mougin (mais pas que !...) après la magnifique soirée d'hier chez Librairie Charybde avec Marianne Loing et Hugues Robert.

Lire "L'Effrayable", "Nébuleuse" et "Gueules" d'Andréas Becker et aller farfouiller dans la revue "Le Zaporogue XVI" de Sébastien Doubinsky, à télécharger là :
http://www.lulu.com/shop/various-authors/zaporogue-xvi/ebook/product-22056726.html
Sa contribution y est à la toute à la toute fin et la mienne se cache en plein milieu, quelque part... Et les autres ! Les autres ! Tous les autres...

5/18/2015

Tu te souviens que tu as tout quitté un jour pour aller de l'autre côté du périph'...

Tu te souviens que tu as tout quitté un jour pour aller de l'autre côté du périph'. Tu as plus jamais quitté ce côté. Tu t'es exilée, exilée volontaire, fuyant vers ta liberté.

Tu croyais que tu n'avais jamais bougé, que tu étais casanière. Tu t'étais trompée. Tu n'as cessé de bouger. 

En bonne fille d'émigré, tu croyais que tu étais ancrée au pays. 
Tu l'étais. 
Mais tu t'étais déterritorialisée, et tu t'es reterritorialisee, suivant tes lignes de fuite, ta hantise de la fuite de la fuite.

Tu fuyais vers ta liberté, chèrement gagnée.

Tu abandonnes, pour l'instant, ton roman. Tu le laisses posé, pauser, tu le mets en pause, en repos. Tu sens qu'il a besoin que tu le laisses mûrir. Tu as mûri aussi. 

Tu viens de retrouver une autre amie de jeunesse. Tu lui as parlé. Tu recolles les morceaux de ta vie déchirée, déchiquetée, tu te restaures, tu prends des forces en puisant dans ta fragilité.

Tu viens de reprendre une bonne rasade de liberté.

À ta santé !

© Simone Rinzler | 18 mai 2015 - Tous droits réservés.

Retour au Roman de "Tu" À L'Atelier de L'Espère-Luette

5/07/2015

04 FEMMES Femmes affolées. Femmes envolées. Femmes perchées.Femmesenfollées.

04 FEMMES Femmes affolées. Femmes envolées. Femmes perchées. Femmes enfollées.

Femmes affolées. Femmes envolées. Femmes perchées. Femmes enfollées.

Femmes affligées. Femmes immergées. Femmes éplorées. Femmes encroûtées.

Femmes influentes. Femmes pensantes. Femmes amantes. Femmes en attente.

Femmes brisées, mal caressées, bien mal aimées, très délaissées.

Femmes de ma vie. Femmes de nos cœurs. Femmes de malheur. Femmes de bonheur.

Femmes à hommes et femmes à femmes, femmes à enfants, femmes à amants,
Femmes d'intrigants, femmes de grands hommes, de petits hommes.

Femmes de la vie. Femme de noceurs. Femmes et nos sœurs. Femme de la rage, de voie de garage, femme enragée, femme déchaînée.

Femmes de ma vie. Femmes de nos cœurs, femmes-enfants, femmes bonnes-sœurs,

Femmes de couilles. Femmes de cœur. Femmes sans cueilles. Femmes sans cœur.

Qui sont vos hommes ? Où sont vos hommes ? Qui sont vos frères ? Qui sont vos sœurs ?
Femmes de bosseur, femme de boxeur, femme d'intérieur, femme d'extérieur.

Femme de ma vie. Femmes de nos cœurs. Femmes, et vos hommes, qu'en faites-vous ?
Des petits branleurs, des assoiffées, des affameurs, des contrôleurs, des profiteurs, des castrateurs, démolisseurs, entreprenants entrepreneurs.

Femmes cessez d'vous lamenter, cessez, cessez donc de pleurer. Ne pleurez pas sur les berceaux. Vos petits enfants, ils font dodo. Épargnez-leur tous vos tourments, toutes vos aigreurs, vos ressentiments. Réjouissez-vous de la vie hors de vous. Aidez, aidez, les petits de chez vous, à devenir à leur tour, des hommes et des femmes, des humains, vraiment.

© Simone Rinzler | 7 mai 2015 - Tous droits réservés.

Femmes composent et femmes chantent, et femmes inventent petites bluettes, penchées au-dessus de leur établi en leur atelier, de La Belle Luette, à L'Atelier de L'Espère-Luette

03 NOUS Nous ne disons rien. Nous ne desserrons pas les dents. (Légendede Nous)

03 NOUS Nous ne disons rien. (Légende de Nous)

Nous ne disons rien. Nous ne desserrons pas les dents. Nous posons des actes. C'est tout. Comme d'autres posent des bombes. Nous restons cois. Nous restons froids. Nous n'argumentons pas. Nous nous taisons. Nous n'expliquons pas. Nous faisons. Nous attendons. Nous n'attendons rien en retour. Le retour nous revient, en révolution, sans circonvolutions. Nous épargnons nos paroles. Nous ne disons pas. Nous faisons. Nous sommes les silencieux, les faiseurs du silence. 

Nous faisons, nous agissons, nous nous taisons. Nous travaillons. Nous nous reposons. Nous écoutons. Nous notons. Nous réfléchissons. Nous écrivons. Nous ne publions pas. Nous pensons. 

Nous ne prenons pas part, en apparence. Nous sommes là, partie prenante, partie taisante. Nous n'effrayons pas. Nous sommes en résistance mutique. Nous ne donnons pas le bâtons pour nous faire battre. Nous avançons. Inexorablement. Nous sommes la masse, la multitude. Nous n'avons rien à dire. Nous avons à faire. Nous faisons.

Un jour, peut-être, nous en parlerons. Nous pensons que ce ne sera même pas nécessaire. Nous œuvrons, en silence, nous affairons, à nos affaires, à nos oignons, nous pansons nos blessures, nous ne nous épanchons pas. Nous nous réjouissons de nos bonheurs. Nous n'en faisons pas un plat. Nous vivons dans la discrétion. Nous existons. En silence. Nous sommes pondérés. Nos mots sont pensés. Nous ne débordons pas. Nous existons. Rien de plus. 

Nous sommes nous, nous sommes uniques, nous sommes la masse, différenciée. 

Nous les emmerdons avec notre silence. Nous ne prendrons pas position. La tête sur le billot, jamais nous ne révélerons. Nous n'avons même pas besoin de serment. Nous sommes déterminés. Nous sommes nous. Nous vous emmerdons. Nous vous ignorons. Tous. Nous allons, chacun, notre bout de chemin. Nous ne jugeons pas. Nous ne tuons pas. Nous ne nous multiplions pas. Nous ne méprisons pas. Nous existons. Rien de plus.

Nous sommes là.
Nous existons.

© Simone Rinzler | 7 mai 2015 - Tous droits réservés.

Nous existons à L'Atelier de L'Espère-Luette

02 VOUS Vous avez tous lu le mode d'emploi... (Conte de Vous)

02 VOUS Vous avez tous lu le mode d'emploi... (Conte de Vous)

Vous avez tous lu le mode d'emploi. Vous l'avez suivi. Vous l'avez relu. Vous l'avez appliqué. 

Vous avez suivi. Vous avez acheté, vous avez lu, vous avez suivi les slogans, les mots d'ordre, les conseils, les modes d'emplois, les instructions for use, les Gebrauchanweisung, les notices de montage.

Vous avez acheté, utilisé tous les ingrédients, suivi les proportions, mixé, mélangé, malaxé. Vous avez goûté. Ça manquait de sel. C'était fade. Vous avez ajouté votre touche personnelle, une pincée de piment, un trait de citron, quelques grammes de cannelle. Rien n'y faisait. C'était raté. Vous avez continué à suivre la recette. Vous en avez rajouté une couche. Une couche de parmesan par-ci, une couche de lasagnes par-là, un lit de tomates, concassées, épépinées. Cela ne vous plaisait toujours pas.

Vous êtes entrés dans une zone d'obéissance programmée. Rien ne peut se détraquer. Vous suivez les conseils, il n'y a pas d'ordre. Les conseils sont souples, sont vagues, sont taille unique. Vous pouvez les adapter. Vous êtes libres. 

Vous continuez à suivre les conseils. Vous appliquez la recette, les recettes. C'est toujours aussi fade. Vous avez perdu votre liberté, votre fantaisie. Vous avez cru aller au devant de votre liberté, vous vous êtes ligotés. Vous êtes attachés, liés, ligotés. Vous adhérez pas, vous n'adhère plus. Vous n'y croyez plus. Vous vous organisez. Vous mettez en place la résistance. Vous commencez par de petites actions, peu visibles, amusantes, facétieuses. Vous vous amusez de voir qu'on vous suit, qu'on sourit. Vous n'êtes pas amusé. Vous entrez dans votre coquille, vous prenez le maquis, vous continuez en silence, à votre façon. Vous tentez de reprendre votre liberté. Vous ne faites rien. Rien de remarquable. Rien de mémorable, pour la clique, pour la claque. Vous improvisez des berceuses, des chansons de troupe, des récits horrifiques, des cauchemars de procès, de château, de labyrinthe, de huis-clos, d'enfermement. Vous êtes pris au piège. Vous êtes entrés où il ne fallait pas entrer. Vous allez chercher comment en sortir, par le bas, ça ne va pas. Vous tenterez par le haut. Vous vous hissez de plus en plus haut. Vous regardez vers le bas. Vous les voyez se débattre. Vous êtes déjà haut. Bien plus haut. Bien trop haut. Vous décidez de ne plus regarder en bas. Vous luttez contre votre vertige du dernier échelon de l'échelle. Vous ne voyez pas l'échelle. Ce n'est pas une échelle. Vous placez vos pas, moellon après moellon, à l'attaque de la forteresse, par l'intérieur. Vos pieds, votre tête sont dans la brume, en altitude. Vous êtes seul. Vous avez un peu froid. L'effort vous réchauffe. Vous voulez sortir. Vous êtes déterminé. Vous grimpez, pas à pas. Vous luttez, pied à pied, avec le danger d'être découvert. Vous progressez lentement, limitez vos mouvements. Vous ne devez pas être repéré. Vous respirez calmement, vous êtes transparent. Vous vous fondez avec la muraille que votre corps épouse. Vous vous faites discret. Vous taisez les bruits de votre corps, les peurs de votre âme. Vous gravissez, marche après marche, enjambée après enjambée. Vous craignez que vos mains glissent, vous n'avez pas de magnésie pour vous aider à grimper. L'ascension est difficile. Elle est progressive, précautionneuse, vous vous gardez bien de roi céder trop rapidement. Vous escomptez chaque nouveau mouvement, son effet sur la suite, vous ne pouvez tout prévoir, vous vous efforcez de tout contrôler. Vous voulez sortir. Par le haut. Vous redescendrez comme vous êtes monté. Précautionneusement. Vous prendrez votre temps. Vous ne sauterez pas, pas même de joie. Vous descendrez lentement, pas à pas, collé à la muraille, jusqu'au dernier pas. Vous ne sauterez pas. Vous limiterez votre bruit, votre visibilité. Vous maîtriserez vos hormones, votre peur, vous ne regarderez pas les chiens, ni les loups, ni les gardes. Vous vous tapirez, allongé, sans bouger. Vous attendrez, trois bonnes journées. Vous voulez prendre de la distance, vous mettre à couvert. Vous ne vous précipiterez pas vers les fourrés. Vous espérez que l'on vous y cherchera. Vous n'y serez pas. Vous resterez encore caché, aplati. Votre survie en dépend. Vous contredirez tous vos réflexes. Vous serez imprévisibles. Vous deviendrez invisible.

Vous attendrez le temps qu'il faut. Vous ne succomberez pas à la tentation de recouvrer la liberté trop tôt. Vous n'êtes pas encore prêt. Vous suivez votre instinct de survie. Votre instinct vous dicte de ne pas crier victoire trop tôt, pas même trop tard. Vous ne crierez pas victoire. Vous êtes parvenu à vous débarrassez du Syndrome de La Fontaine. Vous n'êtes pas Perrette, vous n'êtes pas si bête. Vous arrêtez de penser. Vous vous agrippez. Vous escaladez. Vous cherchez vos prises, main gauche, pied droit. Votre hanche gauche vous fait souffrir. Vous faites des stations pou récupérer et détendre vos muscles de la jambe gauche en anaérobie. Vous prenez votre temps. Vous avez tout votre temps. Vous êtes déjà là, seul, vous faites ce que vous avez choisi. Vous profitez de cet instant d'accalmie. Vous continuez à travailler votre souffle, en douceur, en soufflant, en expirant une minuscule brise inaudible, très doucement, sans bruit, très longuement, très doucement. Vous ralentissez vos battements de cœur, vous oxygénez votre cerveau, vous détendez les muscles de votre jambe gauche. Vous passerez ensuite à la jambe droite. Vous êtes un sportif de haut niveau. Vous avez commencé votre entraînement il y bien longtemps. Vous appliquez les méthodes que vous avez apprises en pratiquant le chant. Vous conduisez votre mouvement, domptez les caprices de votre corps, votre seul problème est l'hydratation. Vous limitez votre consommation d'oxygène, ralentissez votre cœur, consommez peu de réserves. Vous allez tenir, jusqu'après le bout. Vous ne vous relâcherez pas. Vous continuerez, longtemps encore. Vous reprenez votre hygiène de vie, vous économisez pour mieux dépenser, vous vous économisez pour mieux en profiter. Vous avez un moral résistant, un moral de survivant, vous vous accrochez.

Vous gravissez, pas après pas, pause après pause. Vous avancez, même si cela ne se voit pas. Vous avez pris le maquis. Vous êtes déjà parti. Vous tes déjà loin. Vous n'êtes déjà plus là. Plus de bruit, ni de vue d'en bas. Vous en êtes déjà là. Vous ne vous réjouissez pas bruyamment. Vous calmez votre joie, la transformez en contentement, en plénitude, vous en éprouvez le calme d'une nouvelle habitude, maîtrisée, il maîtrisée. Votre nouvelle attitude est déjà une longue habitude. Vous restez calme en toute circonstance. Vous avez échappé à la foule, aux ordres, aux remous, aux chamailleries et aux jalousies cachées sous une approbation du bout des lèvres. Vous ne dépendez que de vous-même. Vous allez rejoindre ceux qui vous aiment, ceux que vous aimez. Vous aurez tous changé. Vous vous habituerez. Vous soulevez votre pied droit. Votre jambe droite est la plus forte, la plus entraînée. Vous prenez garde de ne pas trop la solliciter. Vous la préservez. Vous n'êtes en concurrence avec personne. Vous avez tout votre temps. Vous êtes réfléchi. Vous êtes aguerri. Vous êtes instruit et expérimenté. Vous avez été aimé. Vous en tirez votre force.

Vous êtes fort. Vous n'êtes pas tout-puissant. Vous prenez en compte votre faiblesse. Vous ne minimisez rien, ne prenez rien au tragique. Vous avancez. Vous avez la constance de l'alpiniste.

© Simone Rinzler | 7 mai 2015 - Tous droits réservés 

Vous écrivez À L'Atelier de L'Espère-Luette



01 On nous a raconté mille versions de la même histoire...

01 ON On nous a raconté mille versions de la même histoire... (Histoire d'On)


On nous a raconté mille versions de la même histoire. On ne se souvenait jamais des précédentes. On oubliait tout. On nous racontait la même histoire dans une autre version. On était perdu. On ne se souvenait de rien.

On nous a mené de jardins en patios, de cours en arrière-cour, de cuisine en salons et de salons en chambres. Puis de chambres meublées en chambres vides, en cagibis, en appentis.

On nous a traîné, fait marcher, fait chanter. On suivait sans bouger, sans moufter. On ne savait rien. On craignait tout.

On nous a lancé des boulettes de nourriture, du pain pourri, des pommes de terres rabougries, puis on nous a versé du lait tourné, du jus pourri, de l'eau sale.

On nous a couché de force sur des paillasses branlantes.

On nous a dévêtu, épouillé, récuré.

On nous a distribué des chemises longues et blanches, sans col, aux manches mitées aux poignets.

On nous a laissé là. On nous a mis à l'isolement. On nous a parlé en langue inconnue. On s'est tu.

On nous a distribué des cachets, mis au cachot, craché dessus. On n'a rien dit.

On nous a abreuvé, gavé, massé, en masse. On ne disait toujours rien.

On nous a laissé là. On a attendu.

On nous a oublié.

On est toujours là.

On nous a envoyé des missives d'icônes indécryptables. On a tenté de lire. On ne comprenait pas.

On nous a envoyé des messages sonores assourdissants sans consonnes. On ne trouvait pas le sens de ces messages.

On nous a plongé dans le silence de chambres insonorisées. On n'entendait que le battement de notre  cœur, les craquements de nos os.

On nous a ébloui de lumière blanche et crue. On n'a plus rien vu.

On nous déménagé vers une autre bâtisse, délabrée, humide, vermoulue. On a entendu les termites, les papiers de bonbons froissés, les pépites de tournesol qui craquaient. On était affamé.

On nous a envoyé un émissaire aux commissures des lèvres gercées, aux furoncles sanguinolents.

On nous a laissé là.

On ne se souvient plus de rien. De rien que de cela.

Comment était-on arrivé là ? Pourquoi était-on là ?

On avait, on avait, ça va nous revenir, on avait, on avait



N'avait-on rien fait ? Qu'avait-on fait ou pas fait ? 
On était là. On n'en sortait pas.

On nous a battu, fouetté, lacéré, étouffé, noyé.

On nous a cajolé, caressé, tapotté, tripoté, câliné.

On nous a fait boire, on nous a saoulé. On était plein, on était ivre.

Et puis, on nous a relâché, bête fauve, désorientée, inadaptée.

On ne nous a pas donné le mode d'emploi. On était perdu.

On n'avait pas le permis. On ne l'avait pas passé.

Alors, on a improvisé. On a tâtonné. On a tout essayé. On a commencé à se parler. On a inventé un langage. On a élaboré des tours, des parades, des stratagèmes, des histoires, même. On est toujours là. 

On ne nous a rien expliqué.

On a fait comme on a pu. On a pris le temps qu'il fallait. On s'est organisé. On s'est disputé, battu, donné l'accolade. On faisait ce qu'on pouvait.

On n'avait pas de règle. On ne nous avait rien ordonné. On était perdu. On était ensemble. On s'est accouplé, reproduit, on a crû, on a cru, sans croire à rien. On n'avait pas reçu d'instruction d'utilisation. On ne comprenait rien. 

On faisait. On n'attendait plus rien.

On est toujours là.
On sera encore là, demain.

© Simone Rinzler | 7 mai 2015 - Tous droits réservés  

On écrit encore et toujours à L'Atelier de L'Espère-Luette


5/05/2015

#MoocDQ3 4156 20150504 Bon, on reprend maintenant ? (c'est un peu long comme prologue. On dirait Tristram Shandy)...

Bon, on reprend maintenant ? (c'est un peu long comme prologue. On dirait Tristram Shandy).

Bon, on reprend maintenant ? (c'est un peu long comme prologue. On dirait Tristram Shandy). Allez, je me concentre. Je ne voudrais pas faire mon narrateur à la Rushdie. On se croirait dans Les Enfants de minuit.
Je reviens à l'écriture. La prétendue scriptothérapie de la chercheuse d'hier soir.

Mais, mon pauvre ami, écrire est une pathologie. Une pathologie grave, même. C'est une addiction terrible. Une fois que tu y as pris goût, tu ne peux plus t'en passer. Tu préfères écrire que vivre. Tu ne vis plus que pour cela. Plus rien d'autre ne t'intéresse. Le reste peut bien crever la gueule ouverte, tu t'en fous, toi, du moment que rien ne t'empêche d'écrire. Ou de réfléchir à ce que tu vas écrire. Ou de relire ce que tu as écrit, jusqu'à ce que ça te plaise et que tu sois prêt à le faire lire. Tu as l'écriture dans la peau. Une fois que tu as commencé, tu ne peux plus t'arrêter. C'est comme faire l'amour. Une fois que tu as commencé, tu ne peux plus t'arrêter. Tu veux recommencer, encore et encore. Sans arrêt. Enfin, là, j'exagère un peu. Il faut bien s'arrêter un peu, aller travailler, faire ses courses, ses papiers, ses démarches, son sport, voir du monde, des amis. Tu ne peux pas faire l'amour tout le temps. Ça t'épuiserait un tel marathon sexuel. Faudrait tout de même voir à ne pas se vanter, à ne pas exagérer. Mais tout de même, une fois que t'as commencé à faire l'amour, tu n'envisages plus jamais d'arrêter. C'est trop bon. Ben, écrire, c'est pareil. Une fois que tu sais comme c'est bon, tu te demandes comment tu as pu vivre sans, avant. Bah, t'as bien eu des petites expériences infantiles ou adolescentes, mais on t'a vite fait comprendre qu'écrire n'est pas un métier respectable. Un peu comme pute ou maquereau. Alors tu as fait des études pour avoir un métier respectable. Un métier bien pour une femme / un métier bien pour un homme (biffer la mention inutile). Un métier sûr. Un vrai métier. Avec un vrai savoir-faire, une vraie utilité. Un truc utile à la société, quoi. Un métier stable, fiable. Un métier respectable. Un métier honnête. Un métier de fils ou de fille de braves gens qui se sont toujours démerdés tous seuls, sans chouiner, sans jamais se plaindre, trimant dur pour ramener le pain, le bifteck et la salade à la maison. Pas un métier de va-nu-pieds. Pas un métier de con. Ni un métier à la con. Un métier dont les parents pourront être tous fiers en disant Mon fils est ................ (remplir les pointillés, SVP), Ma fille est ............. (remplir les pointillés, SVP). Un vrai métier, quoi. Pas saltimbanque, clown, danseur de claquettes, entarteur patenté ou écrivain.
Bon, alors, il va falloir que je choisisse mon nom. Mon nom de plume, comme on dit en anglais dans le texte. Il va donc me falloir procéder à la première étape. Trouver le nom sous lequel je vais publier. Allez ! Foin de tergiversations ! Action !

Le choix du nom d'auteur

Le choix d'un nom d'auteur est une aventure toute particulière. Pour s'éloigner au maximum de l'autobiographie et s'approcher au plus près de la fiction (si tant est que la fiction soit si loin du réel qu'elle ne puisse présenter la vérité du réel), on peut choisir de taper très loin de son nom. Mais on sait que l'inconscient joue des tours à l'écrivain et que plus on cherchera à s'éloigner de son nom, plus on sera le jouet de forces inconnues de soi. Le nom ainsi choisi risque de devenir bien trop facilement déchiffrable par ceux dont l'auteur voulait éviter d'être reconnu. Accessoirement, ce pseudonyme, aussi savamment inventé qu'il se doit, ou plutôt se devrait, sera décrypté avec une aisance confondante par quelque autre importun - auquel l'auteur n'avait même pas pensé - entraînant, par une succession de réactions en chaînes inédites, d'autres mésaventures imprévues, plus graves que celles craintes par l'auteur dans la quête d'une couverture patronymique. Fort logiquement, un nom d'auteur ne saurait être trop proche de l'état civil exact de l'auteur si ce dernier répugne à publier sous son nom, pour quelque évidente ou obscure raison que ce soit.
La question du patronyme n'est d'ailleurs pas la plus cruciale. Le choix du hasard pour la première lettre, puis du hasard du nom de famille dans un vieil annuaire papier reste encore le moyen le plus sûr de s'éviter le tracas d'un choix qui retarderait la mise en œuvre du grand œuvre rêvé. Il ne faut trouver qu’un vieil annuaire papier ou se rendre sur des réseaux sociaux.
Le patronyme est arbitraire. Un être tout neuf naît dans une famille - ou non-famille - donnée, par le hasard d'une rencontre de gonades, au gré d'une vélocité spermatozoïdienne fortuite. Le nom du Père ou de la Mère ne fait (encore) rien à l'affaire. Du moins, tant que cet être tout neuf n'est pas encore né, et surtout pas encore fantasmé dans l'esprit de sa mère, de son père, ni celui de ses grands-parents ma-ou-paternels et encore moins de la femme du boucher de Jean-Jacques.
Le choix du prénom est autrement plus significatif. À moins de choisir un prénom à l'ambiguïté genrée (Dominique est l'idéal, clairement plus ambisexe que Camille, plus rarement masculin, et Claude, nettement moins féminin), se pose déjà vraiment la question de l'identité de l'auteur dans ce qu'il y a de plus discriminant, bien au-delà de l'origine des patronymes. Prénom féminin ou masculin ? Tout se joue déjà là. Le lecteur, tout comme la lectrice, se fera une représentation différente de l'auteur et y encodera dès à présent, et totalement à son insu, tous les clichés et poncifs les plus stupides et éculés, même, je dis bien même, s'il ou elle est un intellectuel critique affûté.
Le livre est-il écrit par un homme ou une femme ? Dès que tout doute est levé, le lecteur, qui est aussi la lectrice, dépose les armes, repose ses méninges et se repose sur son système limbique. La lecture est déjà biaisée. Ne sera un tour de force littéraire que l'écriture de la vie psychique d'une femme de la part d'un homme. Le contraire ne sera pas perçu comme la copie de la littérature classique écrite par de vieux mâles blancs occidentaux, Old White Males, comme on le dit en anglais dans le cadre des études postcoloniales.
D'où l'intérêt, pour nos futurs écrivains, écrivains amateurs et écrivains en formation de bien choisir un nom de plume s'ils ne peuvent se résoudre à prétendre un jour publier sous leur nom.

Le choix du sexe du narrateur

Le narrateur n'est pas nécessairement genré. En français de tous les jours, cela signifie qu'il n'est pas indispensable que le narrateur soit clairement identifié ou identifiable comme un homme ou une femme. Le choix du sexe du narrateur n'est en rien une obligation. Je puis ainsi continuer à jouer, sinon sur l'ambiguïté, du moins sur l'indétermination. Mais cette absence de choix peut modifier du tout au tout la lecture du roman. Pour un roman qui se présente comme une autobiographie fictive sous le sous-titre d'autographie intellectuelle à la première personne, le choix

Non, mais c'est pas fini, là ?

Non, mais c'est pas fini, là ?
- Mais putain d'merde, chier ! T'en n'as pas marre d'nous faire chier comme ça, à pérorer, et gna-gna-gna, et gnan-gnan-gnan. Ça va pas finir, ces conneries, oui ? Non, mais, tu t'es vue ? Tu t'es vue, là ! T'essaie d'nous faire ton cirque, genre ch'uis cultivée, ch'uis une fille bien. Tu vois pas qu'tu nous gonf', là ? Tu vois pas, ça ? Ça passe pas dans ta petite tête d'universitaire de mon cul ! Mais, on s'en fout d'tes précautions oratoires, de tout ton savoir, de ta trouille de publier en ton nom, de ta trouille d'écrire en ton nom. De tes p'tites névroses de pauvre petite fille vieille et de toutes tes jérémiades que tu n'oses pas écrire de peur pour ta réputation, pour ta famille, tes amis. Tu vois pas qu'tu nous emmerdes. Y va pas enfin commencer, ton roman, ton écrit, ton putain d'récit machin-truc, là ? Tu vas nous faire perdre not'temps encore longtemps ? Tu vois pas qu't'arrives pas à décoller ?
Elle pensait que si. Elle le savait bien. Elle le voyait bien. Elle le sentait bien. Lucide. Cruellement lucide. Elle voyait tout ce qui bloquait. Elle savait ce qui bloquait. Elle n'avait vraiment jamais osé.
Comment ça, je n'ai jamais osé ! Mais je n'ai fait que cela ! Toute ma vie ! Oser. Oser. Oser.
Oser pour ne pas crever. Dire pour ne pas se taire. Dire pour exister. Écrire pour exister. Chanter pour exister. Oser pour exister. Oser exister. Passer des concours, des diplômes, écrire une thèse, puis un livre pour l'Habilitation à Diriger des Recherches, publier des articles de linguistique anglaise, de stylistique anglaise, de philosophie du langage. Écrire et lire à en perdre le sommeil, le boire et le manger, à en perdre même le rire et le baiser. Devenir la cheville ouvrière d'une société savante. S'y investir à fond pendant des années. Lire, corriger, évaluer, publier les autres, les mettre en valeur. Enseigner avec l'idée républicaine que l'enseignant doit garder toute la modestie nécessaire devant la réussite de ses élèves, de ses étudiants. Enseigner, ne penser qu'à cela. Penser à ses cours. Chercher sans arrêt, dimanches inclus, year in, year out, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les textes pertinents pour le programme, les textes et les idées intéressants pour les étudiants, pour que, même si le cours au programme n'est pas leur tasse de thé, tu saches qu'ils n'ont pas perdu leur temps, que tu leur auras été utile, et que même s'ils t'oublient un jour - car ils t'oublieront, sur la quantité, forcément, ils t'auront presque tous oubliée - tu sauras que tu auras fait partie de l'agencement collectif d'énonciation à la source de leur émancipation, de leur grandissement vers l'âge d'adulte et vers leur futur de citoyens responsables et de gens bien. Mais tu te caches. Derrière ta modestie, ta fausse modestie d'ambitieuse féroce. Tu ne veux pas être rien. Tu crèves de l'humiliation d'être prise pour une moins que rien. Tu renies en partie tes origines, les deux, la « bonne » et la « mauvaise ». Elles sont interchangeables dans cette qualification méliorative ou péjorative selon le lieu où tu te trouves, le milieu que tu fréquentes et aucune n'est en réalité ni la bonne, ni la mauvaise. Tu es juste prise entre deux feux, deux cultures, deux religions et surtout, surtout, deux milieux sociaux et tu bricoles ton identité de fille d'un mariage mixte forcé par la grossesse imprévue de ta mère, fille de Commandant décoré de la Légion d'Honneur, de la Croix de Guerre et de la Croix d'Afrique, qui a « fauté », par amour, avec un petit Juif obèse, fils de tailleur, enfant de parents émigrés d'Europe Centrale, Hongrois, Roumains, Polonais… Les frontières ont tant changé qu'on n’a jamais su le dire vraiment, on taisait tout. La famille de ton père, incroyable, n'est-ce pas ?, semblait être la seule à n'avoir perdu ni famille ni ami pendant la guerre, alors que ta mère, enfant, avait atrocement souffert de l'Exode. Va comprendre, quand on ne te dit pas tout, qu'on ne te dit jamais trop rien, qu'on élude tes questions, ou quand on t'abreuve de souvenirs que l'on te somme de te souvenir au point où tu as deux mémoires, la tienne, et celle que l'on n'a cessé de t'imposer...

Tu te fabriques une persona respectable. Tu en crèves de ne pas avoir eu la reconnaissance que tu méritais. Tu paies ta timidité, ta pétoche, ta peur de ne pas savoir t'imposer, tes manières de trop t'imposer, surjouant la fille à l'aise, bien partout, la fille tout terrain, alors que plus tu avances, de mois en mois d'abord, puis d'années en années, plus tu as le sentiment que tu régresses, que tu es de moins en moins à l'aise, que tu es corsetée, engoncée, révoltée.
Rejette ta fidélité à un système que tu as aimé, aimé d'amour, d'amour passionné, d'amour fou. Divorce. Divorce de la faculté, comme tu as divorcé du mari qui te trompait, te bafouait, te bouffait ton énergie, te minorait, te minait et ne te méritait pas.
Divorce. Casse-toi.
Accepte que l'histoire d'amour est terminée et que depuis plus de trois ans, tu faisais semblant. Tu n'y croyais plus. Tu n'avais plus envie. Accepte que depuis un an, tu t'es enfin mise à écrire, que c'est cela que tu veux faire maintenant. Ne t'enfonce pas dans la dépression, enfin pas davantage, à essayer de croire encore aux fables que toi seule te racontes à propos de ton boulot. Tu en as marre. Tu n'en peux plus. Tu as craqué. N'as pas fini la fin de l'année universitaire. Cinq semaines de congés en mai-juin. N'as pas pu partir en vacances cet été-là tellement tu étais mal. N'as pas repris pour la rentrée, même pour quelques examens qui normalement, auraient dû, auraient pu être envoyés, expédiés rapidement, tu n'avais exceptionnellement presque rien cette année en septembre. Tu as demandé un Congé de Longue Maladie (CLM). Et tu es tellement mal, tellement névrosée, nécrosée par ton éducation de petite fille bien sage, que tu préfères crever à petit feu, enfin, ici, plutôt à gros bouillons, te jouer la fille cool qui profite de la vie alors que tu en crèves de ne plus avoir de statut. De statut enviable, I mean. Tu es passée de l'autre côté. Du côté de la précarité. De la précarité en matière de santé. Du côté de la vulnérabilité. Tu vas vivre les 9 mois qui viennent à attendre une retraite que tu as crainte toute ta vie, que tu as voulu mater en voulant devenir Professeur des Universités pour pouvoir continuer à exister socialement, à travailler, à t'occuper, à lutter contre ta peur du vide, ta peur de la mort. Tu as été conditionnée à travailler. Femme de devoir d'une longue lignée de femmes de devoir, tu es le contraire de ce que tu crois. Tu te vois courageuse, sérieuse, fidèle, aimable, mais tu te leurres. Tu es lâche. Tu es paresseuse. Tu es minable. Tu n'oses pas faire ce que tu veux par peur d'offenser, de ne pas plaire aux autres, de ne pas assez prendre en compte la sensibilité des autres. Ton empathie pour l'autre te ligote. Tu as toujours refusé l'égoïsme chez les autres. Pourtant. Tu te sais narcissique. Tu sais qu'on le dit de toi. Alors ? Tu as peur de quoi ? De vivre ? Encore une fois. Allez, ma fille, prend ton courage à deux mains, et, une fois encore, accepté de divorcer.
Divorce de l'université. Divorce de l'Éducation Nationale. Sors de l'école. Il est temps. Tu as tout juste 59 ans.
Il est temps de quitter l'école. De faire ta vie ailleurs, comme tout le monde. Et peut-être, comme toujours, tu souris déjà rien que d'y penser, pas vraiment tout à fait comme tout le monde, pas tout à fait comme les autres. Tu n'es pas seule. Ton Milou, tes filles te soutiennent, t'aiment et tu les aimes. Ton fils aussi, sûrement, t'aime, mais tu sais que tu ne peux rien faire pour sa douleur. Tu es une écorchée de la vie, mais tu as toujours fait plus que survivre. Ce n'est qu'une dépression de plus. Là, il est temps d'agir. Écris. Écris ce texte, ce grand cri. Vis.
Action !
Le plus simple est d'y aller carrément, franchement, sans détour.
Ah ! C'est mal parti là... Trois qualificatifs pour dire qu'on y va, c'est largement trop.
Abrège.

Au fait !

C’est bon. J’y vais.

© Simone Rinzler | dernier trimestre 2013 - 4 mai 2015 - Tous droits réservés

Ça dépote à L'Atelier de L'Espère-Luette