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7/12/2015

#8CR Carnets de retraite : Écrire la retraite - Les prémisses : Je neme suis jamais sentie aussi femme que depuis que je suis à la retraite.

Écrire la retraite


11 février 2015

Je ne me suis jamais sentie aussi femme que depuis que je suis à la retraite.

Quelle mystérieuse opération s’est effectuée pour que j’éprouve ainsi ma féminité renouvelée, au moment où mon corps, vieillissant, devient, en apparence du moins, nettement moins féminin ?

Je ne voulais pas entendre parler de retraite. Je craignais la retraite, cette perte de la jeunesse et de l’activité. C’était même une véritable terreur. Terreur de quoi, je ne le savais pas. Je ne pouvais que le supposer, l’imaginer, en aucun cas en avoir une connaissance vraiment concrète. J’avais bien vu des femmes retraitées, et des hommes aussi, aussi bien dans mon entourage que loin de moi, mais quelque chose m’empêchait de pouvoir adhérer sans hésitation à ce qui allait devenir, en fait, et de fait, un nouveau statut social. Le statut d’inutile dans une société qui valorise le travail par-dessous tout. Le retraité, c’est, par définition, celui qui ne fait plus rien d’utile pour la société. 

Je suis habituée à écrire et à réfléchir. Ancienne professeur certifié d’anglais, je me suis sans cesse recyclée, passant l’Agrégation Interne quand mes enfants sont devenus plus grands, puis continuant avec une thèse de linguistique anglaise et enfin une Habilitations à Diriger de Recherches spécialisée en stylistique anglaise et en philosophie du langage. Se poser des questions, questionner la société, questionner le rapport entre le monde et le langage et inversement étaient devenus une seconde nature, quotidienne.

Peu avant d’arrêter de travailler, je me suis mise à écrire. Écrire. Écrire autrement. Écrire de la fiction. J’entrais comme dans un autre métier sans le savoir, mais en n’ignorant pas complètement ce qu’il pouvait y avoir de différent. Il existe une différence de taille entre savoir, intellectuellement, quelque chose et le vivre, dans les faits, en actes, en action.

J’ai réfléchi, jour après jour, à la condition humaine dans nos sociétés contemporaines. M’est venu immédiatement la question de l’utilité.

La question de l’utilité

Utilité sociale


12 juillet 2015
 ... 
Et là, plus rien. 
Je m'étais arrêtée en chemin. 
Je ne faisais plus de recherche, du moins officiellement.
J'avais la vie devant moi.
Plein d'autres choses à faire, comme ne plus me contraindre à travailler et profiter de l'instant présent,des découvertes du moment, vivre aussi ce qui relève de mon intimité et qui n'a pas sa place ici, même si je m'y dévoile beaucoup, je ne montre que ce que je choisis de montrer. 

Je n'étais pas allée plus loin, malgré mon envie de lire Bentham sur la question de l'utilité, de l'utilité sociale.

J'ai jugé que cette lecture n'était plus utile.

Peut-être la ferais-je, un jour, cette lecture absente de mes connaissances à ce sujet. La fréquentation de Bentham reste très partielle. Ce que je sais, c'est que l'utilitarisme benthamien colore toute notre société et envahit nos pensées. 

Il faudrait donc lire et penser Bentham.
Ce n'était plus au programme.

Le programme est de n'en avoir aucun.

Je vis le paradoxe de ce programme de n'en avoir aucun.

Cela me va bien.

Ce programme, lâche et ample à souhait, convient fort bien à mes souhaits, à mes rêves, à ce qui me convient.  La boucle sémantique est bouclée.

Fort bien. 

Programme : 
N'en avoir aucun.

Continuer, au petit bonheur la chance du Grand Bonheur Taiseux.

Le Bonheur de ne pas s'emmerder soi-même.

© Simone Rinzler | 11 février - 12 juillet 2015 - Tous droits réservés

Tout un programme !..., à L'Atelier de L'Espère-Luette

#3 Nouvelle : La Dépendance. L'Union de Deux Indépendances :Ellem'aimerait soumis. Je ne ferais passemblant de me soumettre...

La Dépendance. L'Union de Deux Indépendances

Nouvelle

Elle m'aimerait soumis. Je ne ferais pas semblant de me soumettre.

Elle me dirait "Tu cries". Je parlerais plus fort.

Elle jouerait sa Katharina. Je serais son Petruchio.

Elle ferait sa musaraigne, sa shrew, sa mégère. Acariâtre, vindicative, revêche. Je casserais sa morgue, lui ferais renifler sa morve. Jusqu'à ce qu'elle découvre, trouve et montre la douceur cachée au fond de son cœur.

Elle me mènerait la guerre. Elle se débattrait, me cracherait à la figure. Je la combattrais. À la loyale. Comme un homme. Dont elle veut être l'égale. Je ne la traiterais pas comme une petite chose fragile, débile, infantile. Je lui attribuerais les mêmes qualités qu'à moi. Forte. Tendre. Sensible. Quand il le faut. Je lui éviterais la solitude avaricieuse, envieuse, grincheuse.

Elle m'attaquerait sans cesse, sans raison, cent fois l'heure. Je riposterais sans fin, sans remords, cent fois tyrannique.

Elle aurait du caractère. Elle aurait un très sale caractère. Je lui ferais rendre gorge. Je lui ferais découvrir sa douceur, sa bonté, sa tendresse. Par la force si nécessaire. Je n'aimerais pas la violence. Je lui ferais la guerre qu'elle fait aux hommes. Je lui rendrais la monnaie de sa pièce.

Elle finirait par manger dans ma main. Je serais l'égal de cette déesse, de cette princesse. Ignorée. Crainte. Je gagnerais son cœur. Son cœur. Son âme. Son corps.

Elle relirait Shakespeare. Je lui retirerais le livre des mains.

Nous irions faire l'amour, pour toujours. 
Nous serions bien. 
À égalité. 
D'intelligence. 
D'amour. 
De Bonheur.

Dis, pourquoi ne joue-t-on pas plus souvent La Mégère Apprivoisée ? 

Trop égalitaire. Trop profond. Trop en faveur de la paix dans le ménage. 

Et si on apprenait à vraiment bien lire cette pièce, sans a priori d'aucune sorte ?

Ne pas la laisser aux salauds. Ils ne font que des saloperies.

S'emparer de ces pièces maudites. Les faire revivre. Dépasser le bannissement des craintifs qui n'osent pas penser l'égalité.

Offrons, offrons ce bonheur.
De la vie.
À deux.

Rêve d'Avignon.

© Simone Rinzler | 10-11 juillet 2015 - Tous droits réservés

OuGramPo / OuGraPo : Contrainte grammaticale : Le conditionnel

La dépendance, l'indépendance mutuelles sont perpétuelles.
Sans conditions, quoiqu'au conditionnel, À L'Atelier de L'Espère-Luette

#7CR Carnets de retraite : L'indécence de l'intime : Il y aurait une indécence à parler de son bonheur, une insolence impardonnable...

L'indécence de l'intime

Il y aurait une indécence à parler de son bonheur, une insolence impardonnable.

Il faudrait se morfondre du malheur en permanence, jusqu'à en perdre sa valeur.

Il y aurait une injonction au malheur, au partage du malheur.

Il faudrait ruminer à toute heure.

Eh, quoi ?

Le monde irait-il mieux si tu allais plus mal ?

Le bonheur d'être ne fait pas de toi un être immonde, sans moralité, ni conscience.

Il fait de toi un être debout, aux aguets des mouvements du monde, de ses réveils, de ses torpeurs moites et sordides.

Tu veux changer le monde ?

Change ton regard sur toi-même. 

Aime.

Aime vraiment.

Commence par toi.

Rejette l'habitude prise du mépris de l'autre, de la méprise narcissique.

Soumets-toi à la "méprise créatrice*". 

Il y aurait une injonction au partage du malheur.

Et si... ?

Et si tu remplaçais l'injonction généralisée au malheur par l'injonction au bonheur, changerais-tu le monde ?

Non.

Tu remplacerais une injonction par une autre. 

Change ton impératif. Présent.

Reviens sur le mode conditionnel. Présent.

Et si tu aimais ? 

Tu aimerais. Tu aimerais vraiment. 

Tu commencerais par toi. Petit à petit, tu perdrais l’habitude que tu avais acquise de mépriser tout ce, et tous ceux, qui ne pensent pas comme toi. Tu chercherais à les comprendre, à comprendre ce qui les anime. Pas pour les aimer, pas pour les pardonner. Juste pour les comprendre. Pour comprendre qu'ils sont humains, comme toi.

Et si tu te posais de bonnes questions ? Les tiennes. Les tiennes propres. 
Qu'y a-t-il qui ne va pas chez toi, que l'on pourrait critiquer de toi ? 

Et si tu cessais de te pardonner tout le temps et que tu t'interroges vraiment ?

Vraiment ?

Vraiment.

Comprendrais-tu le mépris de l'autre qui parfois te touche et te blesse ?

Oui.

 Té mépriserais-tu ?

Non.

Accepterais-tu d'être humain, d'avoir des failles, de ne pas toujours être l'être parfait que tu te rêves être ?

Oui.

Tu accèderais à l'humilité, le nez sur l'humus de la terre. C'est ce que veut dire ce mot. Humilité. Humus. Terre.

Et si tu te faisais le chantre de l'humilité, que ferais-tu encore ?

Rien.

Tu ne ferais rien de plus, rien de mieux.

Sinon t'agrandir encore sous tes propres yeux, aux yeux du monde.

Peut-être serais-tu plus heureux ?

Non.  

Pas mieux.

Tu poursuivrais ton "hubris", ta folie des grandeurs qui n'est pas la tienne propre, mais celle de ton ère, de ton aire.

Tu te donnerais la possibilité de penser en dehors de la "Passion de la Grandeur" de ton ère, de ton aire. 

La Passion de la Grandeur. Vieil héritage rance du monde des Maîtres dominateurs.

Tu n'aurais pas besoin d'être grand. Tu reconnaîtrais que tu es petit. 

Tout petit. 

Minuscule. 

A l'échelle du monde.
Une fois cette croyance acquise, tu serais prêt à changer le monde. par ta douceur. Sans rancœur et sans haine, délivré du mépris, de l'Autre, de Toi. Prêt à accompagner le monde, dans le monde, présent au monde, à l'Autre et à Toi.

Eh quoi ?
Cela ferait de toi un vainqueur ?

Oui.
Un vainqueur sur toi-même. Pas sur l'Autre.

Tu en aurais fait, du chemin, au monde. 

-----

*Note sur La Méprise créatrice : Crédit à venir, source oubliée. Peut-être Rancière (ou Barthes ?).

© Simone Rinzler | 12 juillet 2015 - Tous droits réservés

Tu penserais au conditionnel. 
Présent. 
Tu rejetterais l'impératif. 
Présent. 
Tu t'interrogerais. 
Présent.
Au monde.
Continûment. 
A L'Atelier de L'Espère-Luette

7/11/2015

#6CR Carnets de retraite : Plusieurs jours sans écrire ces carnets deretraite. Occupée à vivre...

Plusieurs jours sans écrire ces carnets de retraite. Occupée à vivre, à profiter de la vie. Ne me demandez pas ce que j'ai fait. Je n'en ai aucune idée. J'ai vécu. Je n'ai pas écrit, sauf un petit jeu de gammes stylistiques avant-hier sur un texte dont la contrainte grammaticale que je m'étais imposée était le conditionnel. J'ai commencé une seconde nouvelle en inversant les rôles aujourd'hui, mais je n'ai pas pris le temps de terminer. J'ai vaqué à des occupations domestiques qui ne sont pas mes préférées. Mais il faut bien s'y résoudre, malgré tout.

Je n'ai aucun souvenir de ce que j'ai fait, de ce que j'ai vu, de ce que j'ai lu, ni même de ce que je n'ai pas fait, pas vu, pas lu. J'ai séché deux sorties qui m'intéressaient, mais pas au point de bouger de chez moi où j'étais bien. Il ne me reste qu'un souvenir vague de vie qui se déroule, au ralenti, dans le calme, et parfois l'agitation et les agacements, de l'intimité familiale.

Le souvenir de ces jours sans écriture : du bon temps. 

La continuation d'un bonheur taiseux, d'une paix chamboulée par l'arrivée des vacances de Mon Prince, etc., notre dispute rituelle des débuts de vacances, le temps de reprendre chacun un rythme a deux. J'en ris maintenant. La dispute n'a pas tenu. 

On ne sait plus se disputer ni s'opposer longtemps.

On est bien.

Même en ne faisant rien. Même en ne parlant pas. 

On est bien.

Il me revient qu'il y a quelques jours, nous avons rejoué au dictionnaire, comme aux débuts de notre vie commune. Maintenant, nous n'avons plus de petit carnet pour transcrire les mots nouveaux ou les mots connus, mais l'application du dictionnaire Le Robert - Dixel sur mon smartphone qui me permet de garder une trace de mes recherches.

Nous étions partis d'une interrogation sur le genre du mot ovule (en forme d'œuf comme le suggère le morphème ov-, comme dans oval et bien sûr ovoïde). Je soutenais (avec raison) qu'un ovule était masculin, comme un testicule, un opercule, un homoncule. J'ai découvert (ou redécouvert ?, va savoir !) une fonctionnalité du dictionnaire qui permet de rechercher les mots par leurs lettres finales, en l'occurrence -cule. La plupart des mots auxquels j'avais pensé, puis ceux que la fonction Fin de mot m'a permis de trouver étaient masculins. Mais je n'ai pas su trouver de règle expliquant la règle, sinon que les mots en -cule au masculin proviennent de mots latins se terminant par -culus. 

Nous nous en sommes donné à cœur joie. Une bonne heure, peut-être. Ou moins. Ou davantage. Je ne sais plus. 

Je n'ai plus à compter mon temps. 

Je savoure mon luxe. 

J'ai décidé de ne plus jamais courir. 

Je ne bourre pas mon emploi du temps comme le font tous ces retraités actifs qui n'ont "pas une minute à [eux]". J'ai trimé toute ma vie, élevé mes trois enfants tout en travaillant à plein temps, avec parfois beaucoup d'heures supplémentaires, j'ai éduqué et enseigné de la sixième à l'Agregation. J'ai fini sur les rotules. Je n'ai volé personne. Mon temps est à moi. J'en fais ce qui me plaît. 

Et bien souvent, je n'en fait rien. 

Je cultive l'otium, le loisir de ne rien faire, de far niente, de ne rien faire de spécial. 

Certaines journées ne sont pas racontables. Il n'y a rien à raconter. 

Tout une belle vie, toue neuve, peu remplie, à contempler le bonheur d'en être arrivée là en pas si mauvais état. 

Même s'il est parfois difficile de faire comprendre que ce choix de ne pas faire grand-chose est un pas positif. 

La tristesse m'a quittée, l'anxiété s'en est allée. 

Je découvre une personne que j'avais perdue de vue depuis l'adolescence, la jeune moi d'avant les tracas de la vie adulte. 
En relative bonne santé. 

Et le bonheur de câliner de jolies petites arrivées dans notre vie il y a bientôt trois mois. 

Je découvre l'art d'être grand-mère. Je m'amuse avec les petites comme je ne me suis jamais amusée avec des bébés. Je me découvre libérée d'un je ne sais quoi qui me retenait, incessamment, fermement. Peut-être la terreur du silence des bébés ?

Je mesure tout ce que j'ai manqué, occupée à d'autre choses, à d'autres poursuites subsistantielles et existentielles. 

J'ai fait la fourmi. Me voilà cigale. 

Si je ne danse pas autant que je le voudrais, je chante, je compose, j'invente des berceuses, des éveilleuses

Je sais maintenant à quoi m'ont servi mes vingt bonnes années de chant choral, de chant lyrique, de pratique musicale. Je préparais ma jeune vieillesse. Je ne le savais pas. 

Quelle découverte. Et quelle joie. J'ai le public le plus attentif du monde. 

J'ai enfin réussi à apprivoiser ma retraite. En prenant le temps de ne pas se précipiter à trop en faire.

J'ai bonne conscience : j'ai longtemps milité pour le maintien et l'extension des acquis sociaux. Mon bonheur calme me semble bien mérité.

Je me sens encore fragile. J'ai accepté ma fragilité, ma sensibilité. Je ne lutte plus contre moi-même. Je suis parvenue à me détendre. Même si les fous rires, les grandes explosions de joie sont absentes - c'est le seul bémol de ce calme enfin dompté (j'ai conquis et vaincu un surmoi trop exigeant) - je goûte et j'apprécie ce calme et ce bonheur tranquilles. Je ne suis plus à la peine, ni en peine. Je suis en paix.

Je vais quand même me la jouer provoc'. Je ne suis pas superstitieuse (il paraîtrait que cela porte malheur), mais ce serait presque un bon moment pour mourir. Sauf que là, je ne suis pas dans un roman, mais dans le réel, que j'aime et qui me le rend bien. Je n'ai pas fini d'en profiter. Encore un moment, Monsieur Le Bourrrreau, avec ta grande Faux. Jetons les jetons à la mauvaise camar(a)de !

Sourions et profitons !

Depuis deux soirs (deux nuits, pour être plus précise - mon temps de prédilection est toujours décalé ; la nuit, je peux lire et écrire...), je me retrouve au lit avec l'envie de finir mes Fables d'Esope dont je ne sais plus si j'ai lu le livre entier. J'ai besoin de reprendre ce que sont mes classiques de mon vieil âge adulte que je n'avais pas étudiés au lycée. Je continue mon apprentissage. Peut-être vais-je me relever et même lire celles que je connais déjà, soit par La Fontaine ou par Shakespeare, ou celles que j'ai découvertes par moi-même, comme celle du Lion et de la Souris que je ne saurais plus écrire par cœur, mais que j'ai tant travaillée.

Plaisir des fables.

Philosophie et réflexion des fables.

Description du réel.

Passion du réel.

Me voici revenue à un de mes sujets de prédilection. Sans ressassement mauvais. Avec plaisir.

Hop !

Aller chercher ce livre jaune. Et peut-être aussi les contes grecs anciens présentés par Peña-Ruiz, autre livre jaune de la même collection Flammarion. Sur la même étagère.

De toutes façons, se relever. Le corps me presse. Le sommeil n'est pas encore prêt. Rien ne presse. Je suis en grandes vacances éternelles. Je profite de ma belle santé recouvrée.

© Simone Rinzler | 11 juillet 2015 - Tous droits réservés 

Le sommeil l'a emporté sur Esope. On dort bien tout près de L'Atelier de L'Espère-Luette



7/09/2015

#2 Nouvelle : L'Emprise : Il m'aimerait soumise. Je ferais semblant deme soumettre...

L'Emprise

Nouvelle

Il m'aimerait soumise. Je ferais semblant de me soumettre.
Il me dirait : "T'es grosse". Je ferais semblant de faire attention.
Il me jetterait "Tarée", en plein milieu de la figure. Je répondrais : "Pardon. Je ne le referais plus".
Il me dirait : "Tu deviens démentissime". Je penserais qu'il souffre, qu'il manque d'amour.
Alors je le sucerais.
Puisqu'il a peur.
Depuis toujours.
Des mots d'amour.

Il me répondrait : "Non" à chacune de mes propositions. Je saurais que je l'ai perdu.
Depuis trop longtemps.

Il me ferait peur avant l'heure de son retour.
Alors, je me tairais pour ne pas le mettre en colère.
Il n'aimerait jamais plus rien de ce que je lui proposerais.
Alors, je me forcerais à ne faire que ce qu'il aimerait.

Il me dirait "Tu ne veux plus rien faire". Je ne ferais plus rien, pour ne pas le mettre en colère.

Il critiquerait tout ce que je ferais. J'en ferais de moins en moins, pour ne pas lui déplaire.

Je m'amenuiserais. Il n'en grandirait pas. Il s'étiolerait. Davantage. Il boirait. Il crierait. Il me frapperait, peut-être ?

Il deviendrait encore plus méchant. Il deviendrait égoïste.
Il se croirait plus intelligent, plus logique.
Je rapetisserais.
Devant son manque de sentiment.

Il deviendrait plus exigeant. J'en ferais encore moins, de plus en plus. 
De moins en moins.
Il trouverait que ce n'est jamais bien.
J'en ferais encore moins que moins.
Il me traiterait de "Moins que rien".
Je deviendrais encore bien.
Bien moins.
Puis rien.

Il deviendrait malheureux. 
Puis il deviendrait, même, un peu violent. 
D'abord verbalement.
Il m'insulterait.
De temps en temps.
Comme ça, juste en passant.
Je tenterais de le faire taire.
Un peu.
Rien qu'un petit peu.
Peut à peu.
Je ferais taire sa douleur muette.
J'essaierais.
Je me dirais que je pourrais.
Un jour, il pousserait la porte derrière laquelle je voudrais me cacher, me reposer, dans notre chambre, loin de ses colères régulières.
Chacun pousserait la porte de son côté.
Lui pour entrer. Moi, pour m'abriter, reprendre mon souffle.
Je lâcherais la porte, lasse et de guerre lente.
Il aurait fait la preuve de sa supériorité physique.
Je ne voudrais pas lutter. J'aurais aimé la paix plus que la guerre.
Je lui promettrais je ne sais quoi.
Il se calmerait.
Un peu.
Je reviendrais vers lui.
Un peu.
Il me jetterait.

Je me serais étonnée de son début de passage à l'acte.
Je me demanderais Qui ? 
Je me demanderais Que ?
Qui serait le dément ?
Que ferait le sage ?
Il abandonnerait.
Forcément.
Lentement.
Peu à peu.

Mais l'amour n'est pas sage. Il est fou. Je n'accepterais pas tout.
Je construirais des barrières anti-violence.
Je l'inciterais à sortir, à s'amuser, à cesser de sans cesse travailler sans jamais se reposer, sans jamais se plaindre à personne. Il souffrirait. Il aurait peut-être même peur de finir par me perdre. Je ne serais pas son souffre-douleur.  

Mentalement, je lui susurrerais :  
"Soulage-toi, Mon Cœur. 
Laisse-toi aller. 
Avec moi. 
Ne m'enfonce pas. 
Pas avec toi.
Non, non, tu ne vis pas avec une démente. 
Tu vieillis mal. Tu as mal à ton andropause.
Pause-toi, Mon Âme.
Dépose les armes de ta jeune virilité.
accepte ta maturité.
Ta vieillesse.
Ton chagrin que je en comprends pas.

Tu ne pleures jamais, Mon Homme.
Chiale un bon coup. tu banderas mieux. Laisse-toi aller. Ce n'est pas être lâche que de se laisser aller 
À aimer.
Vide ton cœur . 
Ne me jette plus ton aigreur. 
Je n'en plus. 
Je ne tiens plus. 
Tu me rends malheureuse. 
Décharge-toi, Mon Gars. 

Tu n'es responsable de rien, ni de personne. Surtout pas de moi. Prends soin de toi. Occupe-toi de toi. Tais-toi, si tu n'a plus rien à me dire que tes récriminations incessantes. Cesse de me critiquer. Cesse de m'ordonner. Cesse de me donner des ordres. Sans Cesse. Cesse. Tu pourrais finir sous l'oreiller. Un accident serait si vite arrivé. Tu n'es pas Mon Contre-Maître. Tu n'as pas à obéir à tes injonctions mauvaises. Va faire un tour. va prendre l'air. 

Je ne suis plus la même. 
Je ne suis plus déprimée.
Je ne sis plus angoissée.
Tu crois peut-être que je n'ai pas besoin de Toi ?

Tu te trompes.
J'ai besoin de sentir Ton Amour. Tous les jours."

Il finirait par me perdre. Si j'y consentais.

Il me dirait "Va voir ton psy", "Va dormir dans ton bureau". Je n'irais pas. Je resterais là. Là où je serais. Je n'aurais rien à fuir.

Je résisterais. Debout. Toutes les nuits. Tout le jour. Jour après jour. "Jusqu'à ce qu'il se calme", penserais-je.

"Il souffre encore. Davantage. Maintenant", penserais-je.

Pourquoi faudrait-il qu'il souffre quand je ne souffrirais plus. Il n'y pas pas de loi contre cela !
Pourquoi faudrait-il qu'il souffre, encore et encore, quand je lui dirais ce que je mets des mois à pouvoir lui exprimer.
Parce que j'aurais enfin pu trouver le courage de lui parler de ce qui m'inquièterait.
Parce que j'irais mieux.
Que je saurais mieux ce que je voudrais.

J'aurais toujours su ce dont je ne voudrais pas. Je ne le laisserais pas dépasser cette barrière. La barrière invisible. De la violence verbale. De la violence physique. Aurais-je été trop coulante ? Trop indifférente ? Je n'aurais pas vu sa détresse. La sienne. À lui. Trop prise. Par la mienne. Pour moi, la détresse ancienne est finie et bien finie. J'ai appris à la calmer. la bercer. L'endormir. Tout doucement. Par des caresses. Et des chansons. De l'attention. J'ai accueilli ma jeune vieillesse. Je ne saurais dire si je pourrais être son guide, cette fois aussi. Sa détresse muette, muée en injure, en acidité, en remontrances, et pas loin de la vraie violence me transperce. Je pleure notre bonheur. Je l'appelle. Serait-il parti avec ses hormones. Ses hormones. À lui. Cette fois. Putain d'hormones ! Qu'est-ce qu'elles déconnent... Il lui faudrait apprendre. À les domestiquer. À les accepter. Accepter sa vieillesse sans me reprocher la mienne. J'aurais bien le droit de bien vieillir en paix. Sans me chicaner. Je lui apprendrais, peut-être un jour ?, à se reposer, quand il en aurait besoin. Il n'aurait plus fait cela depuis si longtemps.

Il souffrirait. Je l'excuserais encore. Je l'aimerais. Il ne s'aimerait plus. Ne se respecterait plus. Ne prendrait plus soin de son apparence de son propre chef. Se rapetisserait. Il crierait après tout le monde. Se croirait le chef de tout le monde. Se disputerait avec tout les monde. Sauf ses amis masculins. Eux, si peu doués pour leurs relations intimes.

Finirait-il seul ? Avec une petite sotte. Une petite servante. Comme ses amis. Incapables de vivre une relation adulte avec une femme adulte qu'ils respecteraient.

Que ferais-je, que ne ferais-je pas, pour qu'il me respecte enfin ?
À nouveau.
Comme avant.

Je croirais qu'il me pense inutile, nuisible, infantile.
Qu'en saurait-il ?
Se promènerait-il, mieux que moi, dans mon cerveau ?
Je ne le croirais pas.
J'aurais beau avoir des défauts.
Cela.
Jamais.
Je ne le croirais.

Au matin, il se réveillerait. Je ne serais plus là. 
Mon corps serait toujours là. 
Peut-être plus ma tête.

Qui saurait jamais.

Si ça se serait passé.
Si ça se serait rêvé.

Que ça se serait passé.
Que ça serait rêvé.

Nul ne le saurait.
Sauf si quelqu'un le disait.
Le répétait. 
Peut-être même,
Qu'un beau sale jour,
Que quelqu'un, quelqu'un, quelqu'une,
De bien mal informé,
De bien mal intentionné,
Le déformerait.

Qu'elle est difficile, l'emprise de la nuit, 
Quelle est malhabile, la prise de parole, 
Qu'elle est si fossile, la parole mutique du Très Grand Blessé.

Mais de quoi, mais à quel endroit,
Aurait-t-il été blessé ? 
Que je puisse le réparer.
Le vivant. 
Qu'on enterre nos petites morts assassines,
Qu'on reparte sur les chemins. Ensemble. Unis. Heureux.

Il serait déjà mort. Il ne le saurait pas.
Il aurait quitté, en catimini, le monde des bons vivants, le monde des bons, le monde des vivants. Serait entré dans celui des tortionnaires de la banalité, des tyrans du quotidien, dans le monde du maussade.

Je l'aurais su, pourtant, qu'il était un grand blessé du sentiment. Je n'aurais plus la force de l'aider. Mes forces déclineraient. Je ne pourrais plus lui transmettre ma force vitale. Il ne m'en resterait plus guère. Il se déroberait. 

Il n'aurait pas changé. Il serait revenu à son point de départ. 
Moi aussi.

Tout ça pour ça. 
Tout serait à reconstruire.
À deux.

Je n'aurais plus la force de lui prêter ma force vitale. Il ne m'en resterait plus beaucoup. Allez, encore un effort. Encore un. Ce ne serait presque rien.

Ce matin, au réveil, après une mauvaise nuit de sommeil, de lui, de moi, j'irais encore racler mes vieux fonds de tiroirs. J'aurais bien dû en garder un peu. De la force de vie. Il le mériterait bien. Je le voudrais bien.

"Demain, demain, Mesdames et Messieurs, nous vous jouerons sur scène, et en avant-première : Le Méger Apprivoisé, dans une mise en scène dégendrée de la trop oubliée pièce de William Shakespeare La Mégère Apprivoisée. Approchez ! Approchez ! La vente des billets a commencé !"

Rêve d'Avignon.

© Simone Rinzler | 9 juin 2015 - Tous droits réservés

La peine est conditionnelle à L'Atelier de L'Espère-Luette