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5/09/2016

1 #EB Écrire du bien : Écrire pour se faire du bien. Il n'y a pas demal, tu le sais bien.

1 #EB Écrire du bien : Écrire pour se faire du bien. Il n'y a pas de mal, tu le sais bien.


Écrire pour se faire du bien. Il n'y a pas de mal, tu le sais bien. 

- Bien sûr que je le sais !

- Alors, pourquoi tu ne le faisais pas, avant ?

- ...

Réflexion. Un long moment.

C'est difficile à dire, et surtout difficile à croire. Je croyais qu'il fallait se donner du mal. Pas se faire du mal, non, bien sûr ! Il ne faut tout de même pas pousser le masochisme aussi loin. Mais je croyais, enfin, je pensais, ou plutôt, je ne pensais pas et donc je croyais, comme on croit à une croyance répandue qui ne se conteste jamais, je croyais qu'il fallait se donner du mal, un mal de chien pour écrire.

Mais ! Mais !...

Écrire m'a toujours été naturel ! Ou presque. C'est devenu une seconde nature, depuis le temps que tu écris.

Alors ?

Pourquoi donc se donner tant de mal ?

Ah !... Cela va être difficile à expliquer. 

Non pas parce que c'est difficile, mais parce que tu es en train d'aller au fond d'une de tes croyances, au fond de ton  impensé qui t'a rendu la vie bien plus difficile qu'elle n'était en réalité. Et tu sais bien qu'une fois que l'on commence à questionner ses croyances, universellement admises au point de devenir invisibles, on finit de croire, on finit par ne plus croire. On est. On est Sujet pensant. On advient comme Sujet. On n'est plus l'Objet de Rien. On se sent Bien.

C'est vrai. Écrire ne m'est pas difficile. 

J'écris comme je respire. 

Je respire quand j'écris. 

J'aime écrire. Comme j'aime respirer. C'est tout. Cela m'est indispensable. J'aime questionner le réel, la vie. J'aime en rendre compte. 

Peut-être pour laisser ma trace ? Peut-être bien. Un peu. 

Mais pas nécessairement une trace indélébile. 
Ça, c'est débile. 
Tu le sais bien. 

Bien sûr que je le sais bien !

C'est même ce que j'ai toujours accepté quand j'enseignais. 

Je pensais que l'enseignant devait avoir la modestie de s'effacer tout en laissant une trace, à peine visible, mais pérenne, une trace qui se suit à la trace, la trace d'un humain qui vous fait du bien en s'intéressant à vous, en donnant ce qu'il a de meilleur à donner, sans attendre en retour. 

Mais bien content quand le retour se faisait bien, bien sûr. 

Et il se faisait, ce retour, 
Plus souvent qu'à son tour. 
Juste assez pour avoir envie de continuer. 

Sauf peut-être vers la fin, la grande fin des fins, quand tout a commencé à basculer et que se préparait ce que je ne connaissais pas encore. 

Mais l'heure n'est plus aux jérémiades passées. 

Tout va bien maintenant. 

L'air est à la détente, la vraie. 

La détente d'une vie de labeur, d'une vie de labour, de sillons tracés dans la glaise lourde du temps.

Tu te rêvais écrivain. Tu écris. Tu es bien. 

Tu donnes à qui veut recevoir. Tu n'es plus contrainte de donner à qui ne souhaite rien recevoir. Tu es libérée de tes chaînes du travail. Tu as accepté ta retraite, ton âge, demain 62 ans, une bien belle jeune vieille. 

Tu es contente. 

Voilà, c'est ça. 

Tu peux dire, comme le disaient tes amis Allemands : Ich bin zufrieden. Ich freue mich... 

Tu as remarqué comme en français, ça semble étrange ? Étrange. Étranger, même.  
Le sentiment de réjouissance est un sentiment absent de la culture française.
C'est pour cela, très certainement, que tu avais ressenti le besoin d'aller voir ailleurs. 

C'est dans l'anglais et l'allemand que tu l'avais trouvé, ce sentiment de réjouissance, étranger à ta culture de Française francophone . Ce n'est pas tant dans la langue elle-même que tu l'as trouvé, ce sentiment de réjouissante étrangeté. La langue, les langues, tu les aimais car tu aimais les sons étrangers, musicienne que tu étais sans le savoir encore. Les langues et le langage n'ont rien à voir avec cela. 

La réjouissance, ce n'est pas la langue qui la procure. 

On peut se réjouir en n'importe quelle langue. 

En revanche, c'est le contexte culturel d'une langue qui affecte celle-ci, tout comme la langue peut donner une impression qui ne provient pas que d'elle, mais d'une multiplicité de facteurs langagiers et non-langagiers. 

Tu as aimé ce sentiment étrange et étranger à ton pays, ton éducation. 

Le Sentiment De Réjouissance

La réjouissance est tellement peu française que tu ressens comme un manque linguistique. 

Dire Je suis contente, Je suis ravie, je suis satisfaite te donne l'impression d'une perte de sens. Cette perte de sens provient de ta découverte de la réjouissante étrangeté de la langue étrangère, des langues, étrangères à ton nid de naissance. 

Ce n'est pas tant que la langue française ne puisse pas te permettre de dire Je suis heureuse ! Je suis heureux ! Je suis content, je suis contente que la manière dont l'incongruité du propos résonne aux oreilles françaises. Le sentiment n'est pas lié à la langue française, mais à la culture dans laquelle elle s'est développée et se développe en France, loin d'être le seul pays francophone au monde

Langues et cultures sont tellement imbriqués que l'on s'est habitués à tout mélanger, sans distinguer ce qui est possible ou impossible. 

N'importe quelle langue peut tout dire. Absolument tout. Quitte à faire un détour, faute de mot ou de tournure grammaticale adéquate. 

Seul le contexte culturel permet l'émergence ou l'étouffement d'une pensée qui sort de l'ordinaire, de la banalité du quotidien, de la banalité du langage commun.

C'est cette acceptation des pays anglo-saxons, bien davantage que leur langue, que tu as tant aimée.

Tu as aimé le calme germanique, la douce folie britannique et le fond de l'air américain, béatement positif, comme un air de liberté. 

Tu aimes la satisfaction, largement protestante - et juive aussi, d'ailleurs - de se dire que l'on est content de ce que l'on fait, de ce que l'on a fait, de ce que l'on fera, loin de la contrition forcée et de l'empêchement de jouir des jours, de jouir des nuits des catholiques romains et du fond culturel français.

Tu n'aimes pas le regarde forcé sur le Mal, sur le Passé, sur le Mal Que Tu Aurais Fait Dans Le Passé qu'impose la culture dont tu es issue et dans laquelle tu te sens bien aussi, parce que c'est aussi chez toi.

Mais, comme chez toi, tu peux aménager ce qui ne te plait pas, jeter ce qui ne te satisfait pas, réorganiser pour voir, regarder et profiter de ce que tu aimes bien.

Cette liberté-là, tu l'as gagnée en cessant de travailler à la transmission d'un idéal qui fut le tien pendant toute ta vie salariée au service des Petits et Grands Enfants de la République.

Tu aimes la satisfaction aussi de ne pas se plaindre tout le temps et d'apprécier ce qui est bien, ce qui vient, comme ça vient. 

Comme tout cela te manquait dans ton environnement francophone et français d'antan. 

Mais ce n'est pas le cas dans l'environnement familial actuel, celui que tu t'es construit, peu à peu, de jour en jour et de nuit en nuit. Quoique français, ton mari, ton ami, ton amant est toujours content.
Il se réjouit de ce qui est bien. 

Cela te fait tant de bien.

Sans y penser, tu sais que tu peux toujours retomber, bien trop facilement dans l'insatisfaction, par inadvertance. 

On ne change pas son environnement culturel en entier. 

Jamais. 

Il nous imprègne.

Alors, comme pour cultiver son amour comme on cultive son jardin, avec attention, patience et bel arrosage à profusion, tu cultives la satisfaction. Tu te désimprègnes des réflexes acquis non réfléchis, tu tentes de penser tes impensés, tu t'entraînes à de nouveaux réflexes, de nouvelles habitudes, de nouvelles attitudes. 

Ton monde s'en trouve changé, même si aux alentours, rien ne semble encore vouloir changer.

Alors, tu cultives, tu jardines, tu fais pousser de la satisfaction en jardinières, en pleine terre, et même en bouquets.

Ce n'est pas naturel ? 

Pas plus que de se plaindre à longueur de journée, de ressasser à s'en lasser.
Oui, c'est factice, ce n'est pas naturel. Et puis quoi, encore ? Ce ne serait pas bio ?
Mais, bien sûr que si !
Jamais rien vu qui ne soit aussi bio, aussi naturel, que se faire plaisir et irradier de bonheur, fabriqué, cultivé, patiemment, abondamment arrosé de rosée volontaire, recueillie comme une douce pluie.

C'est bien vrai qu'il y existe de la Satisfaction Naturelle. Comme les fleurs des champs, les petites Fleurs de Rien qui ne se cultivent et pas et apparaissent ici et là, au regard de qui veut bien les regarder.

Mais cela ne suffit pas.

La Satisfaction, c'est comme l'Amour, comme l'Amitié. Ça se cultive.

Il faut apprendre à se forcer, comme, enfant ou jeune adulte, on apprend à goûter de nouveaux plats, des goûts inconnus et même, à les aimer, parfois au prix d'un apprentissage pas du tout naturel. Il faut parfois se faire violence, violenter son confort et son envie de ne s'en tenir qu'à ce que l'on aime vraiment bien. Et combien de fois ne se rend-on pas compte que l'effort en valait la peine ? 

Camembert puant, âpre roquefort, cantal au goût de vache, à l'odeur doucereuse d'étable, acides citrons et amers chicons, premier sucré-salé soulevant le cœur, nous avons tous ces souvenirs de ces choses que nous avons apprises à aimer après avoir ressenti un premier réflexe de dégoût. 

La langue et la culture ne font pas exception à cette règle de L'Habitude Acquise. Il faut se forcer pour aimer. Puis cultiver ce et ceux que l'on aime.

Pour en garder le goût.

Saveur pérenne de la réjouissance cultivée.

Douceur de l'écriture facile.

Apprise.

Seconde nature.

Naturellement belle.

[Attention, fabriqué dans un environnement francophone français. Peut contenir quelques traces de masochisme et de colère rentrée. En cas d'allergie au bonheur, prévenir le Centre des Antis et des Poisons. Merci de lire les Conditions Générales d'Utilisation. La maison décline toute responsabilité en cas d'abus de bonheur altruiste involontaire.]

© Simone Rinzler | 9 mai 2016 - Tous droits réservés 

La Réjouissante Étrangeté De La Satisfaction Bienheureuse S'Épanouit Au Jardin d'Épicure Face À L'Atelier de L'Espère-Luette




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