33 #CR Carnets de retraite : J'ai envie de bouger, j'ai envie de danser, rire, baiser
2 décembre 2015
Modifié le 7 décembre 2015
Mon calendrier n'est pas fondé sur l'actualité. Je ne sais s'il l'a jamais été et cela n'a guère d'importance.
Ce que je sais, c'est que ma joie ou ma peine ne sont plus que très rarement fondées sur celle des autres. À force de cultiver ma différence, car je me suis toujours sentie différente de prime abord, je suis devenue indépendante sans en prendre jamais conscience. Ce n'est d'ailleurs pas tant que j'aie cultivé ma différence. J'ai fini par m'y habituer. Nuance.
Cette différence qui me faisait mal a cessé de me faire souffrir depuis si longtemps et en un processus si long que je suis incapable de la dater précisément. C'est le bienfait d'une heureuse nature, rétive aux dates et aux anniversaires du passé.
Cette différence qui me faisait mal a cessé de me faire souffrir depuis si longtemps et en un processus si long que je suis incapable de la dater précisément. C'est le bienfait d'une heureuse nature, rétive aux dates et aux anniversaires du passé.
Au souvenir, j'ai toujours préféré vivre le présent, regarder vers l'avenir. J'y ai été aidée par un passé sombre, les drames de mon adolescence et de mon enfance et même ceux d'avant mon enfance.
Le drame, j'en ai soupé. Les visites dans les cimetières, j'en ai bavé, j'ai bien donné, j'en suis gavée à vie.
Aimer la vie, c'est aimer les vivants.
Un jour, un de mes enfants me l'a reproché opportunément. Il était temps de s'occuper des vivants. Alors, oui, c'est redevenu ma nature, celle qui m'avait quittée, je ne sais plus quand.
Le drame, j'en ai soupé. Les visites dans les cimetières, j'en ai bavé, j'ai bien donné, j'en suis gavée à vie.
Aimer la vie, c'est aimer les vivants.
Un jour, un de mes enfants me l'a reproché opportunément. Il était temps de s'occuper des vivants. Alors, oui, c'est redevenu ma nature, celle qui m'avait quittée, je ne sais plus quand.
Aimer la vie, c'est aimer les vivants. Vivre avec eux. Sentir avec eux. Respecter les morts-vivants, les laisser tranquilles. Mais ne pas danser le menuet avec eux. Qu'ils s'amusent entre eux. C'est leur danse. Pas la mienne. J'ai déjà donné. Je n'aspire pas à y retourner tant que je n'y aurais pas été invitée par les agents de la Régie Autonome des Trépassés Paladins de mon entourage. Le plus tard sera le mieux. Passé le moment de l'annonce d'un choc, j'ai appris à ne pas me laisser entraîner dans des conduites à risque.
Je n'aime pas le risque.
J'aime le confort.
L'adrénaline, à petite dose.
Et du repos entre chaque dose.
Je ne me goinfre pas d'adrénaline, bonne ou mauvaise. Ce qui semble un tempérament de feu est en réalité une vie équilibrée. Je me suis si souvent sentie au bord du déséquilibre que je ne peux le rechercher. Je suis une prudente, une endurante, une durante, une fille de survivants, une survivante, une résiliente. Rien ne me plait davantage que durer, perdurer, même s'il me faut endurer.
Je n'aime pas le risque.
J'aime le confort.
L'adrénaline, à petite dose.
Et du repos entre chaque dose.
Je ne me goinfre pas d'adrénaline, bonne ou mauvaise. Ce qui semble un tempérament de feu est en réalité une vie équilibrée. Je me suis si souvent sentie au bord du déséquilibre que je ne peux le rechercher. Je suis une prudente, une endurante, une durante, une fille de survivants, une survivante, une résiliente. Rien ne me plait davantage que durer, perdurer, même s'il me faut endurer.
Aujourd'hui, je me suis réveillée et souvenue d'un rêve que je faisais au moment de mon réveil. C'est assez rare pour que je le mentionne. J'étais dans une piscine. Je nageais. Mal. J'avais du mal à nager.
Une étrange prof de natation m'a incitée à prendre un cours avec elle.
J'ai bien sûr refusé, comme toujours, quand je me vois proposer une offre commerciale que je n'ai pas sollicitée.
Mais j'ai ensuite change d'avis. J'ai accepté l'offre.
Elle ne me proposait pas qu'un cours, me semblait-il.
Quelque chose dans son attitude ressemblait à une main tendue, pratiquement désintéressée. Je me suis dit que cela ne m'engageait à rien et que si le service ne me convenait pas, rien ne me contraignait à poursuivre l'expérience.
Ce n'était qu'un essai.
Ce n'était pas la première fois que je testais des choses et que je ne les poursuivais pas, parce que cela ne me convenait pas. La femme avait un aspect étrange, pas très dynamique, un peu dérangé, même peut-être.
Peut-être est-ce même cela qui m'a fait infléchir ma décision de ne pas. Abandonnant mon complexe de Bartleby, je répondais à nouveau à la main tendue, comme je l'avais si souvent fait. Quitte à ne pas suivre si cela ne me convenait pas.
Très vite, j'ai senti que cela ne me conviendrait pas. Que je ne poursuivrai pas l'expérience dans cette piscine inconnue, mal pratique, au sol glissant et aux vestiaires et toilettes collectifs un peu sales.
Cet environnement, ce n'était pas pour moi.
Je tentai pourtant de nager.
La pauvre fille était une piètre enseignante.
C'était elle qui avait besoin d'aide.
Son comportement n'était pas celui des maîtres-nageurs habituels, attentifs ou surdirectifs.
Elle semblait ne pas vouloir être dans l'eau toute seule.
Je l'ai accompagnée dans le liquide pâle.
J'avais froid. Je brassais de l'eau, mais je n'avançais pas, pas assez vite à mon gré.
Je me rendais compte que ce n'était plus vraiment cela et que j'avais vraiment perdu, même si je n'avais jamais été d'un niveau digne de compétition, ce qui tombait bien, car j'avais horreur de la compétition, de la confrontation.
Je n'aspirais qu'à une vie douce.
Je m'étais toujours arrangée pour me faciliter la vie, y passant parfois des heures et des jours entiers, voire des années, pour organiser la facilité de ma vie. Là était ma seule obsession. Me faire mon trou, mon nid, mon coin pour y être tranquille, à l'abri, confortable.
J'ai laissé mon rêve à l'abandon. N'ai pas écrit pendant plusieurs jours. Ni publiquement, ni dans le secret de l'atelier.
Je ne pouvais plus ni lire, ni écrire.
La littérature m'avait abandonnée.
Peut-être est-ce moi qui avais abandonné la littérature ?
Je m'en tenais à ce seul constat.
Une étrange prof de natation m'a incitée à prendre un cours avec elle.
J'ai bien sûr refusé, comme toujours, quand je me vois proposer une offre commerciale que je n'ai pas sollicitée.
Mais j'ai ensuite change d'avis. J'ai accepté l'offre.
Elle ne me proposait pas qu'un cours, me semblait-il.
Quelque chose dans son attitude ressemblait à une main tendue, pratiquement désintéressée. Je me suis dit que cela ne m'engageait à rien et que si le service ne me convenait pas, rien ne me contraignait à poursuivre l'expérience.
Ce n'était qu'un essai.
Ce n'était pas la première fois que je testais des choses et que je ne les poursuivais pas, parce que cela ne me convenait pas. La femme avait un aspect étrange, pas très dynamique, un peu dérangé, même peut-être.
Peut-être est-ce même cela qui m'a fait infléchir ma décision de ne pas. Abandonnant mon complexe de Bartleby, je répondais à nouveau à la main tendue, comme je l'avais si souvent fait. Quitte à ne pas suivre si cela ne me convenait pas.
Très vite, j'ai senti que cela ne me conviendrait pas. Que je ne poursuivrai pas l'expérience dans cette piscine inconnue, mal pratique, au sol glissant et aux vestiaires et toilettes collectifs un peu sales.
Cet environnement, ce n'était pas pour moi.
Je tentai pourtant de nager.
La pauvre fille était une piètre enseignante.
C'était elle qui avait besoin d'aide.
Son comportement n'était pas celui des maîtres-nageurs habituels, attentifs ou surdirectifs.
Elle semblait ne pas vouloir être dans l'eau toute seule.
Je l'ai accompagnée dans le liquide pâle.
J'avais froid. Je brassais de l'eau, mais je n'avançais pas, pas assez vite à mon gré.
Je me rendais compte que ce n'était plus vraiment cela et que j'avais vraiment perdu, même si je n'avais jamais été d'un niveau digne de compétition, ce qui tombait bien, car j'avais horreur de la compétition, de la confrontation.
Je n'aspirais qu'à une vie douce.
Je m'étais toujours arrangée pour me faciliter la vie, y passant parfois des heures et des jours entiers, voire des années, pour organiser la facilité de ma vie. Là était ma seule obsession. Me faire mon trou, mon nid, mon coin pour y être tranquille, à l'abri, confortable.
J'ai laissé mon rêve à l'abandon. N'ai pas écrit pendant plusieurs jours. Ni publiquement, ni dans le secret de l'atelier.
Je ne pouvais plus ni lire, ni écrire.
La littérature m'avait abandonnée.
Peut-être est-ce moi qui avais abandonné la littérature ?
Je m'en tenais à ce seul constat.
J'ai envie de bouger, j'ai envie de danser, rire, baiser.
J'avais envie de bouger, de danser, de faire l'amour.
J'ai vécu, j'ai bougé, j'ai baisé, j'ai câliné, j'ai chanté, j'ai dansé.
Cela ne change pas le monde.
Je ne vis pas dans l'illusion de pouvoir changer le monde.
Dans celle de l'aménager. Oui.
Pour qu'il soit vivable.
Un peu plus respirable.
Aménager le monde, c'est changer son rapport au monde, c'est donner son apport au monde.
Je suis revenue au calme de la vie agréable, privilégiée, celle que je me suis construite, peu à peu, à grandes enjambées activées de grand lévrier ou à petits pas trottinants de souris grise, contre vents et marées, contre vermines et marâtres, contre vermeilles et parâtres, envers et contre tout, à l'envers et contre tous. Toujours. Du côté. De la vie. La mienne. Celle que je me suis choisie. Que je me suis confectionnée. Que je me suis décorée. Avec amour.
Et tendresse.
Retrouvée.
Et voilà que me revient ce que j'avais dit une fois à un collègue :
"Si j'étais dans une cellule, je ferais tout pour la repeindre en rose."
Ça ne change pas la cellule, mais quand même, c'est plus gai !
J'avais envie de bouger, de danser, de faire l'amour.
J'ai vécu, j'ai bougé, j'ai baisé, j'ai câliné, j'ai chanté, j'ai dansé.
Cela ne change pas le monde.
Je ne vis pas dans l'illusion de pouvoir changer le monde.
Dans celle de l'aménager. Oui.
Pour qu'il soit vivable.
Un peu plus respirable.
Aménager le monde, c'est changer son rapport au monde, c'est donner son apport au monde.
Je suis revenue au calme de la vie agréable, privilégiée, celle que je me suis construite, peu à peu, à grandes enjambées activées de grand lévrier ou à petits pas trottinants de souris grise, contre vents et marées, contre vermines et marâtres, contre vermeilles et parâtres, envers et contre tout, à l'envers et contre tous. Toujours. Du côté. De la vie. La mienne. Celle que je me suis choisie. Que je me suis confectionnée. Que je me suis décorée. Avec amour.
Et tendresse.
Retrouvée.
Et voilà que me revient ce que j'avais dit une fois à un collègue :
"Si j'étais dans une cellule, je ferais tout pour la repeindre en rose."
Ça ne change pas la cellule, mais quand même, c'est plus gai !
© Simone Rinzler | 2-7 décembre 2015 - Tous droits réservés
La littérature serait en perte de vitesse À L'Atelier de L'Espère-Luette
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