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1/25/2017

#DQS5 Exo 1 : Souvenir d'enfance vu d'un point de vue extérieur

#DQS5 Exo 1 : Souvenir d'enfance vu d'un point de vue extérieur

Moi, C'est Ramon. Je suis au deuxième rang sur la photo de 5ème. C'est moi qui suis le petit bonhomme timide, tout frisé et très brun.


Bon, cela ne se voit plus trop que je suis brun et frisé. Je suis presque chauve et le peu de cheveux qui me restent sont tous blancs. La petite au 1er rang m'a drôlement impressionné. J'avais fait sa connaissance en sixième à l'annexe du Lycée Paul Valéry.


J'aimais bien titiller les filles pour les faire crier. Un jour, j'avais apporté un orvet au lycée et je l'avais caché dans ma chemise. A la récré, je le sortais de ma chemise entr'ouverte, et chaque fois que j'allais vers une fille, à tous les coups, ça marchait. Elle se mettait à crier.


Il y avait une très petite élève, très sage et bonne élève à l'air un peu triste. Elle venait de se faire couper les cheveux tout court et ressemblait à un petit garçon pas très rassuré.

Après avoir fait hurler Martine, Brigitte et quelques autres dont j'ai oublié les prénoms, je suis allée la voir. J'étais sûr de mon effet. Elle allait hurler à la mort ! J'allais bien me marrer.

On était vers la fin de la récré, je n'étais pas encore allé l'embêter. Comme je n'étais pas un excellent élève, je n'avais pas osé m'attaquer directement à la bonne élève sérieuse. J'avais peur qu'elle me dénonce et que je sois convoqué dans le bureau de Madame le Censeur, Mme Bureau. Cette femme n'avait pas son pareil pour écraser les plaisantins et tout le monde redoutait cette femme avec ses chevilles grosses comme des poteaux. On n'avait jamais vu une femme comme ça. C'était un vrai chef de guerre, cette femme-là et je n'avais pas osé aller voir la petite Solange à la récré du matin. J'avais trop peur de me faire passer un savon. Malgré mes airs bravaches, je ne voulais pas gâcher mes chances. J'avais quand même été admis dans le premier lycée mixte de Paris et j'avais pu entrer dans une classe de sixième générale, ce qui n'était pas très fréquent pour un fils de maçon espagnol et d'une mère femme de ménage. Je savais que si j'étais convoqué, cela mettrait en péril mes études et les espoirs de mes parents que j'aimais beaucoup. J'avais échappé au collège d'enseignement général et à la perspective d'études courtes et mes parents faisaient de gros sacrifices pour que je puisse avoir un vie meilleure que la leur. Je ne pouvais pas les décevoir.


Mais, comme disait ma prof principale, j'avais "le diable au corps". Il fallait que j'embête les filles. Je ne pouvais pas m'en empêcher. Comme je savais que je n'étais pas très beau et que je peinais à suivre les cours du lycée, les filles ne venaient pas me voir pour discuter avec moi comme elles le faisaient avec d'autre garçons plus à l'aise dans leur peau et qui se sentaient bien à leur place.

Moi, je ne me sentais pas très bien à ma place. Tout me paraissait difficile. Les études, les filles. Alors, je me rongeais les sangs et je faisais des bêtises. Comme je le regrette maintenant. J'ai vraiment gâché toutes mes chances à faire l'idiot comme cela. Je ne me rongeais pas que les sangs. je me rongeais les ongles. J'avais peur de tout, peur de ne pas y arriver, peur de ne pas rencontrer de copines comme les autres, peur de ne pas pouvoir faire le plaisir que mes parents attendaient en faisant des études. Je ne me sentais vraiment pas à ma place.


J'avais laissé la petite Solange tranquille toute la matinée, et même pendant la récré de la cantine. J'hésitais à aller l'ennuyer.


Mais, à la fin de la dernière récré, juste avant le cours de maths de la toute petite Mme Joris qui était encore en retard, je n'ai plus pu tenir.

Je suis allé voir Solange, j'ai déboutonné ma chemise et lui ai montré à elle aussi le petit serpent inoffensif que je gardai depuis ce matin dans ma chemise.

J'ai vu la terreur dans ses yeux quand je me suis approchée d'elle.

Quand je suis arrivé à son niveau, elle avait repris une expression nettement moins horrifiée et elle m'a dit avec douceur :

- "Fais-moi voir ce que tu as là. Tu l'as montré toute la journée à toute les filles et pas à moi. Qu'est-ce que c'est ? Un serpent ? Il n'est pas dangereux ?"

- "Non", lui ai-je répondu. "C'est un orvet."

- "Un orvet ? Je n'en ai jamais vu. Montre-le moi !"

Je voyais bien qu'elle s'approchait avec réticence, mais elle faisait l'effort de ne pas montrer qu'elle était terrorisée. Je ne la sentais pas très à l'aise. Mais je dois dire qu'elle m'a impressionné. Ce n'était pas la petite fille fragile que j'avais imaginé. C'est la seule fille de la classe qui n'est pas partie en criant. J'étais totalement désarçonné. Cette fille semblait n'avoir pas peur de moi. J'ai trouvé cela étrange. On ne s'était jamais parlé avant, pourtant, et l'année scolaire était déjà bien entamée.

Elle a ajouté : - "Oh ! Il n'est pas vert ? Je croyais que tous les serpents étaient verts."


Je lui expliqué, en rangeant mon orvet pour ne pas lui faire peur, que les orvet étaient toujours de cette couleur, et que non, tous les serpents n'étaient pas toujours verts.


Cette année-là, en sixième, elle prenait le bus pour aller au lycée.


Mais dès l'année suivante, elle commença à prendre le métro et nous rentrions souvent ensemble. Le trajet n'était pas très long, mais on avait toujours un peu de temps tous seuls entre Bel Air et Dugommier, avant qu'elle ne descende. Alors, on parlait devoirs. Elle m’expliquait ce que je n'avais pas compris.


Dommage que notre trajet ensemble n'ait pas été plus long. J'aurais peut-être pu passer en 4ème si elle avait habité plus loin et ne serais pas parti du lycée dès la fin de la 5ème.

Mais cela, je ne le saurai jamais.


Elle était vraiment gentille, cette fille. C'était la seule à ne pas me snober parce que j'étais fils d'ouvrier. Son père aussi était travailleur manuel. C'est peut-être pour cela qu'elle avait été si courageuse, le jour de l'orvet.


Ah ! J'ai oublié de vous dire. Je n'ai pas été puni, cette fois. Elle n'est pas allée se plaindre.

En ce temps-là, ça ne se disait pas, mais c'était une fille cool et sympa.
© Simone Rinzler - Tous droits réservés

[Rédigé en 45 minutes (au lieu des 30 minutes préconisées) dans le Mooc Draftquest Saison 5: Écrire une fiction]

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