Un accident de parcours hier m'a fait repasser du "Je" au "Tu"
Un accident de parcours hier m'a fait repasser du "Je" au "Tu".
Cette quête littéraire est une folie. Je suis folle de cette quête littéraire qui risque de me miner autant que mon éternelle quête de perfection des années passés, à l'école, au lycée, en classes préparatoires littéraires, puis dans le chant à la faveur d'une rencontre avec un perfectionniste jamais content de lui, de son sort, un charmeur de la pire engeance, mais si charmant, si attendrissant, si tout ce qui pourrait finir en -ant, bon an, mal an, et si doué, qu'on le suivait partout, ensorcelés par la musique - non, pas de son pipeau ! Ah ! Ah !, Bandes de coquins !, nous ne sommes pas à Hamelin, et je ne suis pas un rat, non ! - qui sortait de ses belles et longues mains fines de chef de chœur talentueux.
Ma chance fut de rencontrer d'autres hommes, assez sages, assez mûrs, assez sûrs d'eux pour n'avoir pas besoin de séduire. De me séduire.
C'est ainsi que celui que j'appelle plaisamment "Mon Prince, etc." n'a rien de ce que l'on appellerait un Prince charmant. La vie avec lui, ce n'est pas une valse de dessins animés pour petite fille rêveuse. C'est un homme, avec ses qualités et ses défauts, même s'il prétend en riant qu'il n'en a pas.
De défaut, évidemment !
C'est un homme pour femme mûre, pas pour femme-enfant.
Le bouleversement de la dépression, du burn-out et d'années de harcèlement, d'agonie et d'angoisse des derniers années de mon métier tant aimé autrefois a effacé la femme mûre, gommé la femme assurée, la femme qui savait ce qu'elle voulait.
Le Prince, Etc. Qui N'Avait Rien D'Un Prince Charmant Et L'Était Cependant C'est Pourquoi On L'Appelait Mon Prince, Etc. s'est retrouvé avec une femme-enfant, une petite fleur fragile - mais plus tout à fait gracile, l'âge, les soucis et les médicaments aidant.
Comprenez qu'il y a de quoi s'inquiéter de ne pas retrouver celle d'avant.
Comprenez qu'il y a de quoi s'inquiéter de ne pas retrouver celle d'avant.
Moi, de mon côté, je retrouvais celle d'avant. Mais d'avant avant. D'avant Lui. D'avant tout ce que j'avais accompli, avec lui, sans lui, sous son regard bienveillant ou en solitaire, dans mon coin. J'avais une vie riche, pleine et saine. Elle s'était rétrécie. J'étais devenue dépendante de lui. Une femme dépendante (l'est pas très bandante !), pour un homme qui aime une femme qui est une vraie femme, pas une enfant.
Il y avait singulièrement tromperie sur la marchandise. Il aurait été en droit de réclamer : "Remboursez ! Remboursez !", même si ce n'est pas tant ce que je lui avais coûté ! (pendant très longtemps, j'ai d'ailleurs gagné plus que lui). Heureusement, il n'est pas avare. Ni de ses sous, Ni de ses sentiments. Mais de là à verbaliser l'évidence, il ne faudrait tout de même pas trop en demander !
Il y avait singulièrement tromperie sur la marchandise. Il aurait été en droit de réclamer : "Remboursez ! Remboursez !", même si ce n'est pas tant ce que je lui avais coûté ! (pendant très longtemps, j'ai d'ailleurs gagné plus que lui). Heureusement, il n'est pas avare. Ni de ses sous, Ni de ses sentiments. Mais de là à verbaliser l'évidence, il ne faudrait tout de même pas trop en demander !
Nous étions à égalité. D'homme à homme, en quelque sorte, puisque la langue me contraint à ne pas dire d'homme à femme, car la langue est sociale et n'existe pas hors sol, hors contexte, et que dire d'homme à femme modifie singulièrement la connotation que je voulais donner à mon propos.
Puis d'un coup, je suis retombée en enfance, en adolescence.
L'effet de la retraite n'y est pas pour rien. Avec ma décision de ne plus me colleter des contraintes insurmontables pour ne pas tomber ou retomber trop vite dans des travers appris, se tuer au travail, se morigéner au lieu de se réjouir, je m'impose une cure de Mais comment tu faisais avant, t'étais toujours heureuse de ce que tu faisais, de ce que tu ne faisais pas". Je me souviens que ce qui aurait bien pu devenir notre devise, si nous avions été des gens à devise, avait été : "On a bien fait de faire ce qu'on a fait !", et ça se terminait toujours par un éclat de rire.
On se l'est dit il n'y a pas longtemps. Quelques jours, je crois. Cela devait être le week-end dernier.
Alors, quand la dépression m'a fait perdre confiance en moi, j'ai perdu ces rires et cette belle satisfaction d'être là et bien là, d'avoir bien fait. ou d'avoir bien fait de ne pas faire, ce qui reste toujours avoir bien fait.
Nous retrouvons nos rires, nos complicités. Même si ce n'est pas encore tout à fait cela.
Nous vieillissons aussi. Nos amis et notre famille aussi. Cela ne suffit pas à nous entamer le moral. Je me sens encore fragile. Bien moins qu'avant. Je n'ai plus peur d'écrire en mon nom, par exemple. La castration effectuée à coups de boutoirs répétés par Maléfique en personne, ne s'exerce plus. J'ai encore parfois des restes de réflexes de chien battu, de femme castrée. Ainsi, même si je vois davantage de monde, je n'ai pas encore eu le cran de faire retour véritablement dans la société. Seule cette petite crainte me retient encore.
Nous vieillissons aussi. Nos amis et notre famille aussi. Cela ne suffit pas à nous entamer le moral. Je me sens encore fragile. Bien moins qu'avant. Je n'ai plus peur d'écrire en mon nom, par exemple. La castration effectuée à coups de boutoirs répétés par Maléfique en personne, ne s'exerce plus. J'ai encore parfois des restes de réflexes de chien battu, de femme castrée. Ainsi, même si je vois davantage de monde, je n'ai pas encore eu le cran de faire retour véritablement dans la société. Seule cette petite crainte me retient encore.
Or cette nuit, je suis contrariée. J'avais prévu d'assister demain à une rencontre littéraire qui m'intéressait vraiment, avec des gens que j'aime bien. Mais une demande de service, oubliée, s'est rappelée à nous en fin d'après-midi. Et me voici tiraillée, incapable de dormir, hésitant entre [...] et [...].
Pourtant, je sais bien que j'aurais probablement encore une fois séché la rencontre. Je ne suis plus aussi friande de rencontres remplisseuses de vide dans lesquelles je me suis si souvent ennuyée au point de me dire : "Mais qu'est-ce que je fais là ? Je serais tellement mieux chez moi, avec Qui Vous Savez, Enfin, Vous Devinez...".
Voilà, la décision est prise. La socialité factice peut encore attendre un peu.
Je resterai ici demain.
Je sait aussi qu'il me suffit parfois de dire quelque chose puis de changer d'avis. D'où mon silence plus fréquent. J'étais une femme volontaire. Voilà que j'étais devenue velléitaire. Cela me fait horreur.
Le plus simple sera, comme toujours, d'attendre que les choses se fassent. Les décisions finissent toujours par se prendre.
Demain est un autre jour.
Je verrai demain ce que me dicte mon cœur : Temps de sortir ? Temps de rester ?
Je sais aussi que la femme mûre que j'ai été, était une femme fiable.
Une promesse est une promesse. Nous serons là tous les deux pour l'honorer.
Pourvu que je ne me ré-infantilise pas dans mon sommeil !
Et cela ne m'arrivera plus. J'ai repris la tenue d'un agenda depuis quelques temps.
Pour le voir peu rempli et jouir vraiment de ma retraite.
Le bonheur de voir ces pages vierges ; je ne m'en lasse pas.
Sur ce, je me souhaite la bonne nuit.
Elle sera courte. J'ai un rendez-vous demain matin. Mon seul rendez-vous de la semaine !
Extraordinaire. Je tiens le rythme. Car la semaine prochaine sera plus chargée : je vois deux amies. J'ai donc deux jours de pris !
Et ça, ce ne sera pas de la socialité factice !
Ce sont de vraies amies.
La reprise est douce. Je poursuis avec entrain, sans empressement aucun.
© Simone Rinzler | 1er octobre 2015 - Tous droits réservés
Il fait sommeil, le lendemain matin, à L'Atelier de L'Espère-Luette
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