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10/03/2015

#18CR Carnets de retraite : Dans la chapelle désertée (Récit complet) (août-octobre 2015)

  aller vers une acceptation à la vie, un consentement [...]
[...]  pas pour publier des livres
.pour chercher à me connaître.   [...]
C’est une vaste aventure

On ne peut pas écrire en dehors de soi

Ce travail sur soi-même, c’est ce qu’on peut appeler cette dimension spirituelle.

Charles Juliet

 2 octobre 2015
Rencontre Librairie Dédicaces
Rueil -Malmaison

Dans la chapelle désertée...

Dans la chapelle désertée des utopies vécues et rêvées, je pénètre en silence, religieusement. J’admire les vestiges de ce que fut le long XXe siècle, siècle de terreur, d’horreur, et de bonheur. Au soir de ma vie, j’erre parmi les souvenirs épars de ce qui fut le temps de mon insouciance, de mes croyances, de mes terreurs d’enfance, aussi. Je prends le temps de déambuler. J’ai toujours aimé déambuler, marcher lentement, observer, rêvasser, quand la vie ne me tenait pas à l’écart de ma pente songeuse.
Un jour, j’ai dû apprendre à ralentir, à m’alanguir, à freiner de toutes mes forces mon activité débordante. Je craignais l’ennui. Je craignais l’ennui de la solitude. Je craignais la perte de ma jeunesse, aussi. Puis j’ai ralenti, ralenti, ralenti. Je découvrais des trésors de patience, d’intériorité, d’entretiens avec moi-même. Quelques rares moments d’ennui, aussi. Aussitôt dissipés par l’envie. L’envie de ce que j’aimais. Plus que tout. L’envie de faire ou de ne pas faire, à mon gré. L’envie de me délecter de la douceur d’être. Sans violence. Sans plus me faire violence pour me conformer. J’avais fait la découverte de mes aspirations profondes. Plus besoin d’apprendre à respirer, à expirer, pour faire sortir l’angoisse. Je n’étais plus la fille rigolote et sociable et gentille que l’on avait connue. Je ne cherchais plus à plaire. Je n’aspirais qu’au maintien de mon calme et de ma détermination retrouvée. S’il me restait encore, trop souvent à mon goût, des relents de « Si tu veux », de « Comme tu veux », je sentais au plus profond de moi-même que chaque assentiment qui ne fût consenti, profondément consenti, désiré, voulu, était une nouvelle petite défaite sur la conquête de mon bien-être nouvellement acquis.

Las, mon activité était solitaire.

On n’aime pas le solitaire. On n’aime pas la solitude.
Le solitaire effraie.
Le solitaire intrigue.
Qui peut bien être celui-là qui peut se passer de nous ? Qui peut bien être celle-là qui ne s’ennuie pas sans nous ? Qui peut s’occuper des heures, sans jamais se lasser, ni s’effrayer dans un si vaste monde, si cruel, si pervers, si dangereux ?
Qui ne réclame pas notre protection ?
Juste notre affection, notre amour, nos caresses ?

© Simone Rinzler | 16 août 2015 – Tous droits réservés

Sans le savoir, elle fut une femme-enfant

Sans le savoir, elle fut une femme-enfant. Elle ressentait en permanence le besoin d’être protégée du monde, de sa mère, de sa peur de la mort, de ses collègues atrabilaires et pervers. La femme enfant a grandi. Devenue adulte, elle ne supporte plus l’infantilisation. Elle aime toujours la protection, l’amour, les câlinous roudoudou. En perdant la peur du monde, elle a perdu ce qui l’en protégeait. Le sexe furieux, le sexe pour oublier, le sexe à fond, jour et nuit, de longues nuits. Sa peau s’est usée. Elle la protège des frottements répétés, sa vieille peau, si usée en ces points si délicats, si fragiles. Elle ne se goinfre plus, ne se gave plus de sexualité des heures entières. Elle a trouvé la mesure. La bonne mesure. La mesure de son équilibre. Elle aime toujours autant faire l’amour. Ses orgasmes, plus rares maintenant qu’elle se dérobe plus souvent au sexe quand elle n’en ressent pas l’envie, le désir imminent, violent, irrépressible, sont toujours bien là. Elle sait bien qu’elle n’est pas devenue frigide. Elle sait qu’elle a envie moins souvent de faire l’amour, moins longtemps, que sa peau racle et renâcle aux longs frottements. Quelque chose de furieux qui était en elle s’en est allé. Elle le sait. Elle le sent. Aux longues soirées de frottage, elle préfère une courte étreinte passionnée, vigoureuse, de sexes gorgés de désirs, furieux d’en finir, vite, vite, tout de suite.
Elle en veut à son compagnon de la priver de son désir, de la priver de son plaisir d’intensité. Elle aime le sexe intense, vif, frénétique. Elle se désole de ces longues soirées peine-à-jouir où le désir s’émousse et fait place à l’ennui, à l’attente que cette longue caresse sur ses muqueuses irritées, épuisées, impose à son corps, puis, peu à peu, à son esprit, jusqu’à l’incomplétude et à la frustration finale. Il l’empêche de jouir comme elle aime. Une étreinte, fougueuse, brève, intense. Forte, si forte qu’elle la laisse pantelante et assouvie, prête au sommeil et à la nuit. À la nuit d’un bon sommeil épanoui, assouvi.
Toujours aussi avide de sexe, d’amour, de la détente qu’il procure, il ne la comprend plus. Elle comprend qu’il ne comprenne plus. Ces deux-là s’étaient retrouvés dans la rage contre le monde injuste, chacun avec ses armes ou ses retraits. Ils se complétaient. Jusque dans les corps unis. Surtout dans les corps unis. Maintenant qu’elle a atteint la perte de l’angoisse, qu’elle a largué les amarres loin du port de son angoisse, qu’elle a perdu sa rage, qu’elle s’est coulée - non sans difficulté - dans une très jeune vieillesse qu’elle aurait jadis qualifiée de pépère, si différente de sa vie de jeune femme puis de femme mûre hyperactive, il ne la reconnaît plus. Elle n’a pourtant pas tant changé que cela. Femme des extrêmes, femme de passion, elle n’a jamais su faire dans la dentelle, ni, souvent, dans la douceur. Pas plus que lui. Ils s’étaient retrouvés là-dessus. Ils affectaient de ne pas être sensibles. Ils savaient qu’ils l’étaient. Mais ils tonitruaient. Faisaient semblant, comme des enfants, ils riaient, ils se tenaient par la main dans la forêt sombre de la vie, pour y avoir moins peur, ensemble, contre le monde entier. Elle se connaît. Elle sait que ce n’est pas la première fois qu’elle retrouve sa douceur intérieure, qu’elle rebranche avec son cœur, qu’elle cesse d’être enragée. Elle n’aspire plus qu’au maintien de ce calme chèrement gagné sous les injonctions d’une société qu’elle trouve franchement hystérisante à l’extrême. Elle en a assez d’être hystérisée. Elle n’en a pas besoin. L’hystérie, elle a dû tomber dedans quand elle était petite, pour survivre à un chaperonnage maternel étouffant. Elle aurait pu en revendre à tous les amorphes du coin, avides de performances enchaînées. Elle avait la cocaïne intégrée, les amphétamines embarquées. Elle espère bien avoir vidé tout son stock. Ça la fatiguait, toute cette énergie vitale qui débordait. Elle ne savait qu’en faire. Peu portée sur le sport et encore moins sur les envie de gagne sur les autres, son trop-plein d’énergie la submergeait. Elle n’en avait pas besoin d’autant. C’était beaucoup trop pour un tout petit bout de bonne femme de rien du tout. Elle sait très bien que son compagnon pensera qu’elle refait le réel, qu’elle justifie sa dépression par une rationalisation qu’il trouvera dhébile, ou - s’il se met moins en colère – plus simplement nocive pour elle. Elle sait aussi que toute sa vie, - non, ça c’est faux, pas toute sa vie -, qu’autrefois, par intermittence, très rarement même - tant elle était occupée, par sa famille, son chant, ses amis, sa recherche, son métier -, elle s’était rêvée comme elle est ici, assise sur une chaise, dans une maison aimée, la porte ouverte sur le jardin en fleurs, en train d’écrire, au calme, d’écrire et de prendre du plaisir. Solitaire. Le plaisir solitaire de l’écriture. Son plaisir solitaire de l’écriture. Son besoin d’intériorité enfin regagnée. Après une vie bien remplie. Au service des autres. De tous les autres, malgré son égotisme, son narcissisme qu’elle n’a jamais délaissé. Elle n’avait jamais été femme de sacrifices pour la beauté du sacrifice. Elle ne sacrifiait que pour ce qui lui plaisait. Elle avait donné, donné, donné. Elle avait beaucoup donné. Elle avait donné plus qu’elle n’avait à donner. Elle s’était brûlée. Elle a besoin de calme, de temps, de rêverie, de temps à passer avec celle qu’elle aime et qu’elle a trop négligée ses dernières années de travail frénétique à la poursuite d’une gloire illusoire dans un métier qui avait changé et ne la satisfaisait plus, auquel elle avait cru et qu’elle n’avait plus les moyens de mener en restant fidèle à ce qui lui paraissant réellement important : le travail bien fait. Pour tous. Pour tous ceux dont on lui avait confié la charge toute sa vie. Elle estimait qu’elle avait bien le droit de s’occuper enfin de ce qui lui plaisait. Écrire. Et puis aussi, peut-être, peindre, un jour. Elle n’osait toujours pas. Elle pensait qu’elle y viendrait, sauf si l’écriture lui prenait tout son temps. Elle avait toujours aimé garder un fantasme d’avance, pour plus tard. Elle prenait le temps d’assouvir un désir jusqu’au bout, avant de passer au suivant. Assouvir un désir et conserver un fantasme étaient le secret de son équilibre. Le désir, l’accomplissement et le rêve éveillé. La triade paradisiaque, son hédonisme serein, sa passion de prendre son temps pour faire les choses bien, comme elle les aimait, et la fougue de ce qui ne peut attendre, frénétique, essoufflée, infuriée, nourrisson à l’approche de la tétée, tête effrénée, bouche inassouvie, tête affolée de droite à gauche et de gauche à droite, petit corps à la recherche du corps qui le soulagera de son besoin de vie, son besoin vital.
© Simone Rinzler | 16 août 2015 – Tous droits réservés

La maison désertée de ses invités, elle a retrouvé ses marques, elle poursuit sa trace...

La maison désertée de ses invités, elle a retrouvé ses marques, elle poursuit sa trace - abandonnée le temps de l’invasion joyeuse -, la traque de l’écriture reportée faute de sérénité des jours. Il faut l’esprit libre pour écrire. Avoir la certitude de ne pas être dérangée pour un rien. Son compagnon est occupé. Il vaque à ses propres occupations qu’il aime tant – pense-t-elle. Après tout, elle n’est pas dans sa tête. Peut-être ne fait-il cela que par devoir. Une de ces tâches auxquelles on ne peut se soustraire pour ne pas laisser une maison tomber en ruines. Il a toujours su s’occuper de ses mains. Heureuse femme de l’homme aux mains d’or ! Et elle se plaint ?

Elle ne se plaint pas. Elle voudrait qu’il comprenne. Elle sait qu’il ne le pourra peut-être pas. Il ne l’a jamais pu. Ils sont si dissemblables. C’est le secret de leur attelage parfait. Ils se complètent.
Ou plutôt, ils se complétaient parfaitement jusqu’à une date impossible à repérer, à déterminer, jusqu’à il y a quelques temps. Elle ne lui offre plus sa complétude. Ils ne vivent plus au même rythme. Elle a ralenti, terriblement ralenti, s’en est sentie ravie, n’a plus tout envie, jamais, de se dépêcher pour rien, pour rien qui n’en vaille vraiment la peine. Rien ne presse que ce qui ne peut attendre, comme une furieuse envie de baiser, une envie de faire l’amour, là comme ça, tout de suite, parce que c’est là, parce que ça vient, et que c’est là, maintenant, tout de suite, et que plus tard, l’envie réprimée se sera calmée, éteinte, mouchée, vielle bougie que l’on peine à rallumer tant la mèche est écourtée. Une envie de faire l’amour que, trop sollicitée à heure fixe, le soir, après les travaux de la journée, elle n’a plus.

Il ne lui laisse plus le temps d’avoir envie, d’être à l’initiative. Elle ne prend plus l’initiative. Il lui a trop refusé. Trop souvent. Dans la journée. Quand elle en avait le désir.

À force de lui refuser, peu à peu, l’amour l’après-midi, le seul faire l’amour qu’elle n’ait jamais vraiment jamais aimé, l’amour spontané, l’amour frénétique, irrésistible, celui qui fait arrêter toute autre activité, l’amour impérieux, qui n’attend pas, cet amour-là, il l’a éteint. Il l’a éteinte. Il lui a éteint le feu. Elle n’a plus conservé que la peur de se faire rembarrer.

Les rapports se sont déséquilibrés. Des mois qu’elle tente par tous les moyens de rééquilibrer les rapports sans se laminer, sans rogner sur sa plénitude chèrement acquise, au prix fort, la plénitude d’être sans avoir à se battre pour exister.
La plénitude de pouvoir être enfin maître de son temps. Et des ardeurs de son corps.

Elle est frustrée. Son corps et son esprit sont frustrés. Frustrés de fureur. Frustrés d’envie irrépressible. Elle ne supporte plus l’amour programmé. Elle n’y peut rien. Son corps s’y refuse. Elle préfère tout à la frustration du corps. Même se priver de faire l’amour. Pour ne plus être déçue par la régularité horlogère de ce qui est devenu, horresco referens – elle ne croyait que jamais cela lui arriverait -, la régularité horlogère de ce qui est devenu un devoir conjugal et non plus une envie partagée, follement, librement, à toute heure du jour ou de la nuit, au gré des envies. Son amant l’a délaissée, seule, dans les seuls bras de son mari. Elle a perdu son amant. Pleure son amant bien-aimé. Le même homme, pourtant.

Il était son meilleur ami, son meilleur amant. Elle a perdu les deux. Le meilleur ami. Le meilleur amant.

Ne sait comment, ni où les retrouver.

Ne lui reste plus que le vieux mari qui baise à heure fixe.

Elle s’ennuie avec lui. Il est devenu ennuyeux, trop sérieux, a perdu sa petite folie adolescente qui lui avait tant plu, si longtemps, depuis tout ce temps.
Elle se demande ce qui a tué en lui sa force vive. Ce qui l’a éteint. Ce qui l’a transformé en vieux monsieur.

Elle croit qu’il ne l’admire plus. Depuis qu’elle ne travaille plus. Depuis qu’elle est passée du côté de ceux qui ne sont plus décrétés « actifs » par la société.

Peut-être n’aime-t-il pas ce que son statut de retraitée renvoie d’elle ?

Elle s’y est bien faite, n’y a trouvé que des bienfaits pour son équilibre mental et moral.

Une image sociale écornée.

Il lui faudrait bien reprendre ce projet de recherche sur l’utilité sociale à partir du concept de l’utilitarisme hérité de Bentham et de John Stuart Mill, ce qui régit toute notre société. Mais elle n’a plus envie de travailler. Elle a trop goûté aux joies de l’oisiveté méritée. Elle veut en profiter comme d’un doux bonbon qui fond sous les coups de la langue, comme d’une belle queue majestueuse en érection turgescente qui frémit, douce comme du velours, sous les discrets coups de langue voluptueux, chatouilles péniennes et anales, sous les lampées assoiffées de la base du sexe jusqu’au gland, à gorge déployée, sur un sexe dur comme la pierre et soyeux comme une étoffe précieuse.

Où est parti ce sexe majestueux qu’il lui offrait à chaque instant de leurs retrouvailles. Elle reste seule à avoir envie de pleurer sur son sexe enchiffonné, rétif à toute pénétration, buccale ou vaginale.
Son mari a vieilli, lui aussi. Il préfère soulager sa solitude dans le grand et vaste monde avec ses amis masculins, à boire et à tenir des propos de comptoir qui la lassent.

Son salon est devenu le comptoir des habitués. Elle n’a plus envie de les écouter en essuyant les verres. Cela ne l’amuse plus.

Ils étaient la vie. Ils sont sa mort.

Elle veut retrouver son ami, son amant, son homme. Il devient un genre d’homme qu’elle n’aime pas, qu’elle n’a jamais aimé, ni lui non plus. Qu’elle a toujours exécré.

L’homme de bar, pétri de certitude, prêt à beugler avec les copains d’alcool. Il n’a pas encore pris conscience de ce qu’il était devenu. Un vieux monsieur ennuyeux, qui s’ennuie et qui l’ennuie. Qui ne la fait plus rêver. Qui ne la fait plus bander du clitoris. Qui ne la fait plus vibrer.

Qu’elle ne parvient plus à admirer.
Elle non plus.

© Simone Rinzler | 16 août 2015 – Tous droits réservés

Ils ne s'admirent plus

Ils ne s’admirent plus. Ne se regardent plus avec les yeux de l’amour. Le critique sévère a remplacé l’amoureux chez chacun d’entre eux. Quelque chose s’est blessé et attend d’être guéri. Ils vieillissent à deux, chacun à son rythme. Ils n’ont plus le même rythme.

Voyons, voyons !

L’ont-ils jamais eu, ce même rythme en une vie entière passée ensemble ?

N’ont-ils jamais eu de décalage, d’envies différentes, der rythmes différents ?

Bien sûr que si.
En permanence.

Elle n’a jamais eu sa force, sa rapidité, sa solidité. Il n’a jamais eu sa finesse, son intelligence des rapports humains, sa délicatesse, si discrète qu’il ne l’a jamais vue.

Il ne l’a jamais trouvée mièvre. Elle refusait la mièvrerie.

Serait-elle devenue mièvre ? Serait-elle devenue trop douce, trop fragile, trop gracile pour lui ?

De quoi serait-il tant blessé qu’il ne supporte plus sa gentillesse, sa sagesse, sa finesse. Aurait-il eu pour projet de vieillir en gros lourd, en gros balourd, comme ces vieux cons qu’ils détestaient tant ?
Elle comprend qu’il souffre. Elle ne trouve pas de quoi. Sinon du même mal qu’elle. De sa crise de sénescence, celle qui vous prend avant de quitter le monde des adultes, le monde du travail, le monde des « actifs » de la société pour enter dans celui des « vieux ».

Mais les vieux ne sont plus vieux, tant qu’ils sont en bonne santé. Ils ont tous les deux la chance d’être en bonne santé, même si elle doit, de son côté, prendre certains médicaments à vie et d’autres, plus souvent que sporadiquement ; même si, parfois, la fatigue le prend en fin de journée. Ses articulations résistent à ses efforts, sa colonne, ses os ou ses muscles se rappellent à lui. Il s’aperçoit qu’il n’est plus endurant qu’avant.

Pourtant, bien des jeunes lui envieraient sa résistance, sa force, sa détermination, sa forme.

C’est qu’il est bel homme quand il ne braille pas, quand il ne râle pas, quand il ne lui refuse pas toute initiative en la regardant comme une horloge qui retarde, comme une attardée mentale, une pauvre fille avec qui il est collé, qui lui colle le train quand il est occupé, toujours là à réclamer des bisous, des câlins, de l’attention, un peu d’attention douce, de complicité.

Il a perdu sa douceur. C’était un doux caché sous des dehors forts. En perdant un peu de sa force, il s’est dépouillé de sa douceur.

De quoi a-t-il peur ?
Qu’on l’aime, peut-être ?
Cet homme-là n’a jamais eu les mots pour se plaindre.
C’est à cela qu’elle reconnaît qu’il souffre. Quand sa douceur, sa bonhommie, sa bienveillance fait place à la critique permanente, elle sait reconnaître qu’il souffre. Elle met du temps à comprendre de quoi il souffre. Toujours. Elle développe des trésors de patience.

© Simone Rinzler | 16 août 2015 – Tous droits réservés

Ils cheminent à nouveau, heureux d'être deux

Ils cheminent à nouveau, heureux d’être deux. Quelque chose s’est rebranché. Elle ne sait ni comment, ni pourquoi. Elle se sent mieux. Il se sent mieux. Lequel des deux a commencé le premier restera à jamais un secret pour tous deux, chacun restant secrètement persuadé que l’autre allait plus mal qu’il n’allait. C’est le malentendu de ce qui ne peut rester que tu, insu, parfois même, impensé.

Chacun a toujours eu des intérêts superficiels et profonds différents. Il n’en est pas autrement. Ils ont pu se parler. Ils ont pu se caresser. Elle a pu exprimer ce qu’elle avait à dire. Il ne l’a pas vraiment comprise. Il n’a pas besoin de la comprendre por laimer. Il l’aime. C’est tout. Elle le voit, elle le sent. C’est tout.

Quelque lien abandonné s’est reconnecté. Comment ? Pourquoi ? Grâce à qui ? Grâce à quoi ? Cela n’importe pas. Elle sait que dans son coin, elle a œuvré à ne pas se castrer, à ne pas se laisser en imposer, à ne pas se laisser ordonner. Elle poursuit son chemin. Il est là. Près d’elle. Avec elle. Même quand ils ne sont pas ensemble.
La rentrée lui a permis de reprendre de retrouver sa solitude de la journée. Sa chère solitude qui lui permet de se concentrer, de faire retour sur elle, de cultiver son intériorité qu’elle a amorcée en effectuant ses derniers travaux de recherches, de sa monographie sur les manifestes jusqu’à son document de synthèse, ses derniers grands travaux conceptuels sur la passion de la voix, du langage et du discours, sur la passion de la passion, aussi. Passion active. Passion passive. Passions subjectivantes et désubjectivantes.

Elle n’est plus sous l’emprise de la passion. Elle trace son sillon d’écrivain. Elle y est bien. Elle se farde. Elle se refait belle. Retrouve son chic et son équilibre de femme adulte.

La femme-enfant s’est envolée.

La femme mûre a retrouvé son amant.

À ce jour, il ne lui reste plus qu’à retrouver son ami.

Peut-être ira-telle lui rendre visite, à vélo, sur le chantier de la cuisine qu’il est en train de monter dans l’appartement de sa sœur ?

Impossible. Il lui faut faire des emplettes pour la semaine. Le frigo de l’ex-ado est bien vide. Elle doit faire des provisions.

Provisions de bonheur et de sérénité.
Provisions d’amitié pour la semaine qui s’annonce.

Provisions d’amour à donner. À recevoir. À échanger.

© Simone Rinzler | 3 octobre 2015 – Tous droits réservés

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