Après l’accès d’hypomanie d’Éliane/Marie-Thérèse, appelle-la comme tu
veux, ce n’est pas cela qui compte à ce niveau, nous avons dû faire face. Face
à la maladie d’Éliane,
à la disparition de Laurence ???,
à l’inquiétude des Dubreuil,
François ne trouvait plus sa sœur et Françoise craignait pour son amie, il a
alors fallu faire face à l’irruption de la maladie mentale, à la peur de la
folie. Le thème de l’atelier s’en est ressenti. Forcément. Certains se
connaissaient déjà bien, d’autres plus ou moins bien, mais à ce stade d’implication
du premier embryon du groupe de l’atelier d’écriture, il n’était plus possible
de revenir en arrière. Quelque chose s’était produit qui les avait
irrémédiablement liés. Ils décidèrent, sans même avoir eu à se le dire, que le
mieux à faire serait de ne pas faire mine de rien, mina dé nada, comme le disait Andréa qui continuait à rigoler avec
Francisco, de faire comme si rien ne s’était passé. Un événement s’était
produit. Un événement qui était en rapport avec l’écriture, ce que tente de
cerner l’écriture sans y parvenir. Par un effet d’entraînement, ils s’organisèrent
pour faire tourner l’atelier avant même d’attendre en remplaçant. Cette idée de
faire fonctionner l’atelier comme si rien ne s’y était passé avait été une très
mauvaise idée. Faire intervenir Le Garamond était une bonne idée en soi, mais c’était
une idée de premier jet de roman. C’était une idée à rejeter. C’est bien trop
irréaliste. C’était un rêve de roman. Une fois au pied du mur, il avait bien
fallu se rendre compte que cela ne pouvait pas marcher. Ni dans le stage. Ni
dans le roman.
Alors, il avait fallu bricoler, improviser,
rattraper ce qui pouvait l’être et faire avec ce pourquoi on ne pouvait pas
faire sans puisqu’on se retrouvait face à l’événement. Il était inutile de
convoquer Badiou là. Il n’aurait été d’aucune utilité pour ce que nous avions à
faire. Il fallait continuer à avancer. On ne pouvait plus, pauvres petits
Beckett innommables, mais on devait continuer. Sans l’avoir projeté, on s’était
soudés bien plus vite que jamais groupe ne l’avait été. La vie avait fait
irruption dans ce qui avait été conçu pour être un havre de repos, de réflexion
et d’écriture un peu hors du monde. La folie du monde nous y attendait. On ne
pouvait se démettre. Il nous restait à nous soumettre au destin auquel une
bonne partie d’entre nous ne croyait pas. Ce n’était peut-être pas le destin,
mais ce fut ce qui nous arriva.
Il n’est pas utile de retracer par le menu comment
les choses se sont passées. Ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. Une
communion d’âmes, de sensibilités, d’intelligences diverses se mirent toutes à
pousser dans le même sens. Celui de l’humanité douloureusement retrouvée. Le groupe
évolua à une rapidité phénoménale. Les effets littéraires furent fulgurants.
© Simone Rinzler | 21 mai 2015 - Tous droits réservés
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