Tu as fait taire tes doutes…
À la fin, après tant d’hésitations, tu as fait taire tes
doutes. Tu as envoyé ton manuscrit.
Tu sais depuis ce matin pourquoi tu ne pouvais pas publier
en ton nom, sous ton nom. Quelle interdiction muette était ton injonction à te
taire, ce que tu arrivais si mal à faire. Tu as été sommée, toute ta vie, de
rester cachée, sous le mode du « Pour
vivre heureux, vivons caché ». Tu as été élevée par deux grands blessés
de guerre. Ils te voulaient forte. Ils te voulaient vivante. Ils avaient peur
de ta mort. Tu sais que de toute façon, tu mourras quand même, un jour. Tu sais
que cette injonction à te taire, à ne pas publier était depuis toujours
incrustée en toi.
Il t’a fallu près de soixante ans pour t’en défaire. Au
moment où tu décidais de le faire, arriva un événement que certains craignaient
mais que personne n’imaginait ainsi.
Au moment où la lâcheté serait de se taire, de se terrer, de
se cacher, tu te sais mûre pour publier, en ton nom, sans caution, ni
protection d’une quelconque institution.
Tu prends le risque d’exister.
Comme tu es.
Autrement qu’à l’université ou à l’école que tu as servie
vaillamment, avec une passion hors norme.
Tu n’es pas encore très satisfaite de ce que tu écris. Tu
vises plus haut, plus fort, plus juste, plus modeste et plus ambitieux.
Tu sais que cela te prendra encore du temps, beaucoup de
temps.
Il fallait bien commencer un jour.
Tu prends le risque d’exister.
Comme tu es.
Pour ce que tu es.
Indépendamment de qui que ce soit.
Sinon, toi,
Lecteur.
© Simone Rinzler | 14 janvier 2015
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire