Tu es devenue une petite fonctionnaire du "Tu". Pour un peu, tu te dégoûterais. Si tu y penses ainsi, c'est que le dégoût de toi s'est déjà enraciné.
Tu repenses à ce qui a déclenché ta dépression, ta perte de confiance. Tu te dis que tu dois continuer à avancer, mais que, là, franchement, tu en as assez d'avancer prudemment "à petits pas comptés", une expression que tu as déjà utilisée au moins deux fois.
Tu tentes de naviguer entre trop grand et trop petit. Tu te fais Boucles d'Argent.
Mais où as-tu donc caché l'espiègle Petit Chaperon Rouge Et Noir ?
Qu'est devenue ton Alice au Pays des Vermeilles ?
Tu t'encroûtes, vieille croutonne.
Tu ne peux continuer à rester dans l'attente de la suite.
Tu avais peur de toi, ces derniers mois.
Tu as bien tort.
Reprends le chemin des projets de plus grandes dimensions. Tu te sens à l'étroit. En te privant de grandes peurs, tu te prives de grandes joies.
Tu sais que tu ne sais plus vivre sans écrire.
Toutes ces années, projets après projets te manquent.
Tu t'es assez reposée.
Gage qui si tu cesses de te reposer, tu seras moins fatiguée.
Tu es dégagée de la pression du travail.
Profite de ta liberté.
Ton temps est compté. Tu fais comme si tu l'avais oublié.
Vas-y, fonce, fonce.
Exhorte-toi encore plus vite, encore plus fort !
Tu commences vraiment à t'ennuyer.
Une grosse machine comme toi, ça a besoin de cavaler, de trotter, ça vise les grandes enjambées.
Tes derniers mois t'ont servi à te refaire une santé, à supprimer les cauchemars, à te reposer, à apprivoiser ta plus grande terreur avant la mort, ta terreur de la retraite. Tu es devenue bien trop sage.
Si ton corps est parfois bien las, ta tête est agile, tu ne la sens plus si fragile.
Pense à toi.
Cogite.
Tu aimes cogiter. Ça te fait vibrer.
Cogite ton prochain grand projet. Tu es en train de mourir à petit feu. Tu préfères un grand bûcher ardent pour te réchauffer.
Profite de cette semaine passée de vacance d'écriture et de début de retrouvailles avec quelques amis trop négligés, continue à te réouvrir au monde.
Réapprends à vivre dans la communauté des hommes vivants, plus vite, plus fort, plus intensément.
Tu te remets de mieux en mieux de ce qui te remue, même si tu sens que tu es remuée plus facilement. Tu t'apitoies sur toi-même.
Tu te fais pitié. Tu n'es plus toi.
Reviens chez toi. C'est terminé.
Cesse de faire de ta fragilité ton fond de commerce autographique, ressorts tes ailes, reprends ton essor.
Tu n'attends plus que cela.
Tu en auras pris du temps.
Et si ce n'était pas la peur qui t'animait, mais une bonne vieille paresse de grosse glandeuse ?
Allez, allez, assez glandé !
Tu as moins de deux jours pour te mettre en ordre de marche.
Et zou !
Tu n'as plus aucune excuse.
Tu ne vas pas continuer à te traîner comme ça.
Cesse de résister.
Prouve que tu veux exister.
Il est très largement temps de te déFranceGalliser. De déconstruire à nouveau les idées reçues. Seule l'intelligence peut t'aider à te sortir de cette léthargie.
Regarde combien tu as déjà beaucoup avancé, beaucoup progressé. Tu n'en reviens pas pas et tu fais l'étonnée. Tu le sais bien, pourtant, que tu as de la ressource.
Allez, boucle.
Boucle-la.
Boucle là.
Ton Roman de "Tu" est achevé.
Je passe à autre chose.
Je veux tout tenter. Surtout mon diablotin. Il me tient bien. Et moi, j'y tiens.
[Il est plus de quatre heures du matin. Je corrigerai demain matin, ou plutôt, tiens, avant l'envoi de la totalité du manuscrit à un éditeur. Il est temps d'affronter cette trouile de publier. Temps de faire front. Prendre le risque de l'affront. Cesser de rêver ma vie d'écrivain. La vivre. Jusqu'à la fin.]
© Simone Rinzler | 3 février 2015 - Tous droits réservés
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