24 #CPR Carnets de Petits Riens : Hier, j'ai passé toute la journée à La Chasse Aux Petits Riens. - Et alors ? - Et alors Rien. Il a bien fallu s'y résigner, il n'y avait Rien. Enfin, il y avait bien de Minuscules Petits Riens, mais peut-être pas tout à fait assez pour en faire tout un foin.
- Hier, j'ai passé toute la journée à La Chasse Aux Petits Riens.
- Et alors ?
- Et alors Rien. Il a bien fallu s'y résigner, il n'y avait Rien.
Enfin, il y avait bien de Minuscules Petits Riens, mais peut-être pas tout à fait assez pour en faire tout un foin.
J'ai passé toute la journée à me demander si c'étaient bien Des Petits Riens ou Point.
Fallait-il donner de l'importance à la senteur fugace du colza par la fenêtre ouverte de la voiture ? Tout de même, une odeur fugace de colza, c'est bien une curiosité, tout de même !
Une Petite Odeur De Colza ? Mais tu as perdu l'odorat, ma parole ! Foin de Petit Rien. Juste Un Tout Petit, Petit Rien De Rien Du Tout. Je me suis dit :
« Tiens, le colza n'empeste pas le miel trop fort, ne brûle pas tes narines, ne te fais pas tourner la tête à te demander si tu aimes bien ou point ? ».
C'était très étrange.
Tu y as repensé toute la fin de journée. Un Si Petit Rien est-il encore Un Petit Rien ? Et si tu y repenses plusieurs heures après, est-ce la preuve que le Rien N'Était Pas Si Petit ?
En viendrais-tu à vouloir les classer, les mesurer, les mettre en compétition ?
Que nenni !
Un Petit Rien, c'est un Petit Rien.
Point.
- Oui, mais quand même, Un Petit Rien, c'est une Intensité. Une prise en compte du présent qui s'impose et qui, sans y penser, s'éternise. La question à te poser, ce serait, non point de les comparer, mais de considérer si Un Petit Rien comporte une relation avec le Temps, avec L'Étirement Du Temps.
- Ah ! Mais dis-donc, tu n'en pêches toujours pas, Toi, des Petits Riens et tu te fais déjà Théoricienne Du Petit Rien ! Tu ne manques pas d'air, Mine De Rien !...
Mais tu as raison. Il y a bien un rapport avec la perception de la temporalité, avec Les Petits Riens. Le Petit Rien Allonge Le Temps Et Raccourcit le Rien De Rien. Il Rapetisse L'Attente. Il Élargit La Vie.
- Tiens, tu vois bien qu'on peut s'intéresser aux Petits Riens sans aller à leur cueillette, bêtassoune !
- Comme tu y vas, toi ! Et si je ne te les apportais pas, si je ne te les offrais pas, Mes Petits Riens, tout ton savoir, toute ta réflexion, tu n'en ferait Rien. Mais alors, Rien De Rien !
- Ah ! Oui, ça c'est Bien ! C'est comme pour les religieuses. Ah ! J'ai oublié leur nom. Tu sais, celles qui prient pour toi parce que tu ne le fais pas. Et bien, toi, tu nous donnes Tes Petits Riens parce qu'on ne va pas les chercher. Je sais que tu trouves que cela n'est pas bien. Mais si tu savais quel plaisir on y prend, tu ne serais pas si dure avec moi.
- Oh ! J'ai été dure ? Pardon. Pardon, pardon, pardon. Je ne m'en étais pas aperçue. Tu sais, je suis tellement accaparée par Ces Petits Riens que je finis par ne plus Rien voir.
Tu as raison. Je ne voyais pas que tu étais avec moi, et moi, je n'étais pas du tout avec toi, ou alors, comme ça, avec distance, L'Air De Rien, comme si tu ne comptais pour Rien.
Mais tu sais bien !
Tu me connais bien, maintenant. Quand je suis en plein dans un projet, j'y suis à fond. C'était comme cela pour Les Grands Tou(t)s De L'Ancien Temps, et c'est la même chose depuis que je suis sur ce projet des Petits Riens qui n'étaient nullement un projet au départ, d'ailleurs.
Tu sais quoi ? Les Petits Riens me sont littéralement tombés dessus. Je ne cherchais pas à les attraper, mais un jour, j'ai vu qu'ils m'aimaient bien et que c'étaient eux qui se rapprochaient de moi.
Je les ai pris, délicatement, par la main et sous mon aile - N'ayons pas peur de regarder les zeugmes dans les zeugmes ! - et, au bout de quelques jours, c'en était fini de moi.
C'en était fini du Rien.
Les Petits Riens avaient commencé à envahir ma vie, Petit Rien Par Petit Rien, et c'était tellement bien que je ne peux plus m'arrêter, même s'il m'arrive quand même de faire des pauses dans cette Histoire De Petits Riens.
C'est comme si une voix de l'innocence s'était appropriée mon corps à l'insu de mon esprit. Comme si j'acceptais de vivre l'enfance dont je ne me souviens pas de l'avoir si bien connue, une enfance insouciante, curieuse, joyeuse, rieuse et radieuse, totalement inconnue de moi.
Et ça, tu vois, c'est rudement bien.
Et tu sais quoi, Ces Petits Riens, je crois que je les dois au chamboulement qu'à été dans ma vie l'arrivée de deux petits jumelles si différentes. Je retrouve avec elles le plaisir que j'ai eu d'être Maman, avant Les Grands Fracas. Le plaisir que j'ai eu à être toute petite fille. Le plaisir de m'acroupir après avoir dansé la capucine pour faire « Youh ! Les Petits Cailloux ! », jusqu'à ce que ma mère fasse cesser ce bonheur de danser ensemble, de s'amuser, de danser, de chanter et de rire. Et là, je me souviens. À chaque fois. La frustration de la fin. De la joie pas vraiment partagée.
Voilà qu'en un an, ma vie d'avant me revient. Joyeuse. Rieuse. Joueuse. Et que, parfois, elle était bien. Entre Deux Grands Éclats De Grands Fracas, Deux Gros Fatras De Gros Tracas.
Dansons la capucine,
Y'a pas de pain chez nous,
Y'en a chez la voisine,
Mais ce n'est pas pour nous !
Youh ! Les Petits Cailloux !
Dis, tu crois que c'est déjà toute petite que j'ai appris à garder le moral, même quand ça ne va pas toujours trop bien ?
Elle est raide, quand même, cette chanson pour enfants.
- Et bien, tu sais, c'est pareil pour la comptine anglaise :
Ring a ring a roses,
A pocketful of XXX?oses,
Atishoo ! Atishoo !
They all fall down !
- Ah . Oui ! Je me souviens ! C'est une chanson sur la Grande Peste, paraît-il. Il fallait comprendre non pas qu'on éternue en se laissant tomber, mais qu'au bout du compte (= At Issue et non Atishoo = Atchoum), ils tombent tous, victimes de l'épidémie de peste.
- Oui, c'est bien ça. Mais dis donc, au lieu de m'expliquer ce que je sais déjà puisque je viens de t'en parler, alors ? Ton odeur fugace de colza ? Petit Rien ou Pas ?
- Et bien, je vais te dire. Je ne sais pas. Ça n'a été que trop fugace pour me sembler être Un Petit Rien. Ce ne fut qu'Un Tout Petit Rien Archi-Minuscule, mais je vois bien qu'à nous deux, on est parvenues à en faire un Plus Que Rien, déjà, pour commencer.
Et ça, ce n'est pas Rien, même si ce n'est Pas Tout À Fait Un Petit Rien.
Et puis tu sais, hier, je n'ai pas été complètement bredouille. Mon problème, même si c'est un problème de bien peu d'importance, c'est que j'ai eu Trois Micro-Riens, et qu'aucun ne me satisfaisait assez pour le raconter directement, sans attendre que cela mûrisse un peu.
Je t'ai déjà dit que Les Petits Riens, il ne faut pas les sortir trop tôt. Je préfère les laisser grandir un peu avant de les sortir par Le Vaste Monde.
Tu sais, je les aime bien. Je n'aimerais pas qu'il leur arrive du mal. Peut-être que je les couve trop. Si ça continue, je risque de les étouffer. Je vais essayer de penser à leur laisser un peu plus d'air.
Après tout, tout ne depend pas de moi. Il faut aussi qu'ils fassent connaissance avec le monde.
Tiens, pour la peine, je me suis posée une autre question, hier, sur Un Tout Petit Rien Imprudent. Et si on tentait de me voler Mon Tout Petit Rien Trop Confiant, alors que je l'offre aux quatre vents. À ce moment-là, je n'étais déjà plus dans la cueillette des Petits Riens.
Je moulinais dans l'intellect. Peut-on se faire voler ce que l'on donne ?
Tu vois, quand on réfléchit trop, on ne trouve pas Ses Petits Riens. Et on prend le risque de se déseperer à l'idée de se retrouver devant une source tarie. Ce n'était juste pas vraiment le jour. J'avais d'autres choses sur le fourneau. On ne peut pas non plus tout faire en même temps.
Aujourd'hui, ça a été different. J'ai eu Tout Plein De Petits Riens.
Mais un ami vient d'arriver et je n'ai plus le temps de continuer à tout te raconter.
C'est bien, il m'en restera pour demain, si je n'en trouve pas de nouveaux. On ne sait jamais. Je vais être bien trop occupée à de grandes rigolades, des jeux, des dessins, des promenades et des balades. Enfin, je l'espère ! Dans ces cas-là, c'est la fin des Petits Riens. On se fait trop de bien. Même si on sait que ce n'est jamais trop. Et que c'est vachement bien !
- Ah ! Au fait ! J'ai retrouvé les nom des religieuses. Les Carmélites. Tu es la Carmélite des Petits Riens.
- Oh ! Oh ! Ce dialogue sur des Carmélites ne me dit rien de bien. C'est un truc à finir la tête coupée, ça.
Ah ! Quel choral final !...
J'en ai la chair de poule rien que d'y repenser. Je l'ai vu sur scène à l'opéra il y a des années. Quel choc émotionnel, visuel et auditif. Ça, vraiment, ce n'est pas Rien. J'entends encore chaque « Tchoc ! ». À chaque fois, une voix de moins dans le chœur des Carmélites condamnées, jusqu'à une seule voix, puis Plus Rien. Rien n'est montré. Chaque condamnée passe derrière un rideau derrière lequel se devine l'échafaud, le chant ne cesse de continuer, puis, après chaque disparition nouvelle derrière le rideau : « Tchoc ! » et une voix de moins. Tu ne sais pas à partir de quand tu perçois que le chœur décroît. Mais à un moment, il suffit d'un Rien, tu attends La Fin dans une intensité dramatique qui est loin d'être Un Petit Rien.
Dis donc, avec tes Carmélites, et notre sot dialogue, tu m'as quand même bien flingué Mes Petits Riens, toi. Je crois bien que tu devrais partir en vacances. Je n'arrive à Rien avec ton dialogue. Tu m'as tué l'inspiration, on dirait, on dirait.
Allez ! File dans ta chambre, Vilaine Casseuse de Petits Riens !
Va ! Je ne te hais point.
© Simone Rinzler | 16-17 avril 2016 - Tous droits réservés
Les Petits Riens te prennent parfois la tête, ou bien ? À L'Atelier de L'Espère-Luette