Ce soir, en rentrant, j'ai croisé dans la rue un Petit Rien Perdu. Il ne savait pas où il était, il pleurait. Il avait perdu sa Maman. Alors, je l'ai pris par la main et je lui ai dit : « Ne t'inquiète pas, mon petit bonhomme, on va la retrouver, ta Maman ! ».
Mais j'étais rudement ennuyée. Et si on ne la retrouvait pas ? Que ferais-je de lui ? J'ai déjà tant à faire avec les miens, de Petits Riens. Je ne vais pas non plus accueillir tous les Petits Riens Du Monde non plus ?
J'avais honte d'avoir pensé cela, mais je ne pouvais rien y faire. En bonne égoïste, je l'avais bel et bien pensé. Et je savais bien que ce qui a déjà été pensé ne peut pas être dé-pensé. Il allait falloir que je fasse avec.
Et puis, pourquoi se désoler ?
Après tout, j'avais été la seule à m'arrêter le long du boulevard. Les autres aussi l'avaient bien vus aussi, quand même ! Un Petit Rien Qui Pleure, le soir, au coin du boulevard, ça ne passe pas aperçu, tout de même ?
Et puis, je me sentais fatiguée, j'étais pressée de rentrer. C'était ma première sortie depuis plus d'un mois, et il fallait que ça m'arrive comme ça, à moi, là, comme ça, maintenant.
Décidément, j'avais le chic pour les attraper, Les Petits Riens, même quand je ne les cherchais pas.
Mais voilà. J'étais là. Je m'étais arrêtée.
Et il était là, tout seul et tout chagrin sur le trottoir mouillé.
J'ai sorti Mon Mouchoir Magique, un joli petit mouchoir en papier tout propre et j'ai tamponné ses petits yeux tous fripés par les larmes. Puis, j'ai mouché son Petit Nez. Je lui ai dit : « Souffle, mon petit chat, souffle ! Comme ça ! » et en même temps, j'ai fait « Pffflouh ! ».
Le Petit Rien a eclaté de rire.
On avait tous les deux la morve au nez.
Je me suis mise à rire aussi.
On a ri, on a ri ! On a ri !
On a ri si fort que le Papa du Petit Rien nous a entendus. Il était descendu ventre à terre pour partir à la recherche de son Tout Petit Rien qui avait échappé à la surveillance de sa Maman.
J'ai poussé un soupir de soulagement. « Ouf ! ». Plus de peur que de mal.
Mais, je n'avais plus de mouchoir et toujours Ma Grosse Goutte Au Nez. Le Petit Rien riait et pleurait en même temps. Enfin, il ne pleurait plus, mais il lui restait encore de gros sanglots qui le secouaient de temps en temps, entre deux éclats de rire.
Le Papa du Petit Rien m'a tendu un Joli Mouchoir De Lune Qui Brillait La Nuit. Je me suis mouchée, toujours en riant, et en reniflant, moi aussi, car ce Pauvre Petit Rien m'avait émue et que je peinais à me remettre de mes émotions nocturnes impromptues.
Pour une fois que je parvenais à mettre le nez dehors, abandonnant Mes Petits Riens à la maison, et sans plus penser à Rien, voilà que je m'étais trouvée à la fois coupable et héroïque et que, je ne sais pas si ça vous aurait fait ça à vous aussi, ce Petit Rien Inattendu avait touché une corde sensible longtemps oubliée et tout cela m'avait un peu tourneboulée.
C'est que c'est une chose que d'aller, selon Son Bon Vouloir, à La Chasse Aux Petits Riens, mais ça secoue drôlement d'en rencontrer par hasard, au coin d'une rue, la nuit, quand on ne s'y attend pas et que l'on meurt d'envie de rentrer se mettre à l'abri, bien au chaud, chez soi.
C'est qu'il fait encore frais, en ce moment, et qu'on n'a pas très envie de rester à traîner dans les rues, loin de chez soi.
Alors, cette surprise de La Rencontre Involontaire Avec Un Tout Petit Rien Inconnu Tout Perdu, ça m'avait toute chamboulée.
Le Papa du Petit Rien était tellement content que je me sois occupée de son Petit Rien Tout Perdu qu'il m'a invité chez lui à boire le thé.
« Oh ! Non ! Non ! Non ! Je ne veux pas vous déranger ! », ai-je protesté. En même temps, je, avais très envie. Mais le Papa Du Tout Petit Rien Perdu était un home fin et sensible. Il a bien vu que j'étais fatiguée. Il n'a pas insisté. Il m'a dit : si vous êtes encore sur Paris, repassez demain, après une bonne nuit de repos. Ou la semaine prochaine. Alors, j'ai tenu à lui faire une promesse. Une vraie. Pas une promesse en l'air ! Non ! Non ! Non ! Une Vraie Promesse En Bonne Et Due Forme.
Alors, je lui ai promis de revenir.
Demain. Si je pouvais. Ou sinon, mercredi prochain. Sûr et certain.
Pourvu qu'il fasse bon, sur le boulevard, demain. Surtout que je resterai dehors, le soir. Et que je ne suis pas encore totalement d'aplomb. Pourvu, pourvu que, demain, tout aille bien. Il faut absolument que je passe une bonne nuit.
Mais...
J'ai le cœur tout réchauffé rien que d'y repenser. Et surtout à l'idée, dès demain, de retrouver Mon Nouveau Petit Rien, Mon Petit Rien D'Adoption, Mon Tout Premier Petit Rien Qui M'A Adoptée, Ensorcelée de ses larmes et de son rire. Tu as déjà entendu un Tout Petit rien Perdu Qui Pleure Et Qui Rit À La Fois ? Moi, c'était ma première fois. Et quelle histoire.
Demain, je l'espère bien, Je reverrai Mon Tout Nouveau Petit Rien et son Papa. Et je ferai connaissance avec sa Maman.
Et...
Ça tombe bien !
J'adore le thé à la menthe.
Hmmmm...
J'en rêve déjà, alors que mes paupières se ferment doucement, contente d'avoir été, une fois encore, une fille bien.
Ben quoi, je me suis arrêtée, non ?
Les mauvaises pensées ont vite été balayées, et Petit Rien a retrouvé son Papa, puis sa Maman. Elle aussi était toute retournée.
Quel cadeau vais-je apporter demain à Mon Petit Rien et à ses Petits Parents ?
La nuit porte conseil, dit-on. Je verrais bien.
Ah ! Tout de même, j'ai bien ri avec Mon Petit Rien Du Jour. On était beaux, tiens, avec Notre Petit Bout De Nez Tout Mouillé !
Ça faisait un bien bon bout de temps que je n'avais pas tant ri en étant si émue.
© Simone Rinzler | 7 avril 2016 - Tous droits réservés
Ah ! On ne se mouche pas du coude À L'Atelier de L'Espère-Luette
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