#MoocDQ3 2956 20150331 L'Atelier devait commencer le vendredi matin...
L'Atelier devait commencer le vendredi matin. Les premiers participants étaient arrivés tôt la veille. Ils avaient déjà déballé leurs affaires, choisi leur chambre et s'étaient présentés les uns autres au fur et à mesure des rencontres. La directrice du stage [PréÉnomyePréÉnoma CHECKARCHIVES] avait tenu à prendre contact avec chacun d'eux individuellement, dès leur arrivée, comme toujours, mais cette année, elle les avait invités à un petit entretien personnel avec elle une fois qu'ils seraient complètement et confortablement installés. Elle n'avait jamais procédé comme cela. Le courant était moyennement passé. Ce n'était pas une méthode habituelle pour elle, ni pour les quelques stagiaires qui, arrivés tôt, étaient des habitués de stages d'été. Il lui faudrait redresser la barre après ce début moyennement engageant. Elle avait cependant l'habitude des flottements avec les stagiaires. Il est vrai, rarement aussi tôt, aussi peu de temps après l'accueil dans la cour. Elle rectifierait.
Elle était en pleine phase d'expérimentation, un peu perdue dans sa vie privée, elle avait du mal à se décider. Elle errait, tâtonnait, tentait de donner le change. Elle savait que son expérience compenserait très largement son manque de dynamisme actuel. Elle était surtout préoccupée par sa vie personnelle qui devenait de plus en plus compliquée. Elle avait même pensé un moment annuler le stage. Elle avait besoin d'air. Elle avait surtout besoin de respirer, de réfléchir, de faire le point et de choisir, vraiment choisir ce qu'elle allait faire de sa vie en mille morceaux partie dans tous les sens. Deux histoires d'amour en même temps, c'était un peu trop pour une seule femme. Surtout des histoires d'amour compliquées, dont une avec quelqu'un de compliqué, de très compliqué. Son nouvel amour. Son grand amour. Elle ne voulait pas le rater. Elle ne voulait pas non plus quitter, abandonner son premier grand amour, qui resterait toujours son premier grand amour. En attendant, elle bricolait sa vie, comme elle avait toujours bricolé ses ateliers d'écriture. Un peu à l'instinct, beaucoup à l'expérience. Elle n'était plus une oie blanche. Elle avait fini par acquérir de l'expérience, aussi bien en amour qu'en atelier d'écriture.
Abandonner le stage, tout annuler n'était plus possible. Il y avait trop de frais engagés, trop de gens engagés. Elle ne pouvait faire péricliter la seule activité qui lui permettait de se raccrocher à ce qui lui tenait à cœur, vraiment à cœur, sans jamais aucune hésitation aucune.Elle ne pouvait pas faire cela aux propriétaires du gîte. Ils étaient amis depuis près de vingt-cinq ans. Elle ne pouvait pas mettre leur communauté dans la mouise financière. Ils galéraient tous déjà assez comme ça. Ils avaient fait le choix d'une vie différente et menaient leur barque avec une constance et une chaleur inégalable. Elle ne pouvait pas les planter là. Comme ça. Elle ferait son stage, indépendamment de son manque d'allant. Il le fallait. Elle ne voulait jamais regretter. Elle n'avait jamais voulu accepter que sa vie sentimentale, et pas que, interfère sur sa vie tout court. Elle en faisait partie. C'était sa vie. C'était elle. Ce qu'elle était. qui elle était. Elle ne pouvait rien laisser de côté. Quand elle s'engageait, elle s'engageait à fond, pour de bon, quelles que soient les difficultés qui se présentaient à elle. Elle avait un bon fond, elle était bien élevée, elle avait poussé dans une famille aimante, peut-être un peu trop, elle connaissait ses qualités. Elle s'appuyait sur elles. Dans ce domaine, elle n'avait jamais aucune hésitation. Tellement peu d'hésitations, d'ailleurs, qu'elle ne s'était même jamais posé la question à son compte. Elle avait bien trop à faire avec sa vie amoureuse. C'était là surtout que le bât avait blessé.
Sa situation actuelle ne devait en rien influer sur le déroulement du stage. C'était sans compter sans ce que lui imposerait son nouvel amour, son dernier grand amour, car elle savait que ce serait le dernier. Elle avait enfin trouvé. Elle avait pris son temps, s'était laissé aller, s'était baladée, d'aventures plus ou moins longues en relations stables. Elle était dans un entre-deux pénible en ce moment. Il allait falloir patienter, laisser les choses décanter. Il fallait tenir bon pendant toute la durée du stage le plus long qu'elle ait jamais organisé pendant des vacances d'été. C'était un véritable défi pour elle, pour les stagiaires, pour "*les tauliers*", comme elle les appelait, "*[s]es Thénardier d'amour*", ses potes, ses poteaux, ses seuls vrais amis tous terrain, toute histoire, ses piliers, ses tuteurs de résilience, sa famille adoptive, sa famille choisie, qui ne la jugeait pas, jamais, et qui l'aimait, depuis toujours, ou presque. Depuis LA rencontre. Une rencontre qui fut LA rencontre.
-Tu sais quoi ? Françoise ? Tu fais ça tellement bien, tellement mieux que moi que je crois bien que je vais m'esquiver. Je te laisse avancer. Tu feras nettement plus clair que moi, droit au but, et comme cela, je pourrai continuer à tenir à bout de bras la librairie. Je vais aller voir comment avancent les devoirs. Continue à écrire. Je m'en occupe. Et puis j'irai leur dire d'aller se coucher quand il sera l'heure. Je te laisse raconter.
[François sort de la salle à manger-salon où Françoise s'était installée pour commencer. Il s'affaire à la cuisine et monte à l'étage. Il prend tout le quotidien en charge. Il est libéré. Il s'active. Il est heureux, tout sourire. Ses yeux se plissent de plaisir.]
© Simone Rinzler | 30-31 mars 2015 - Tous droits réservés